Psychologie

À quoi servent nos rêves?

À quoi servent nos rêves?

Auteur : Coup de Pouce

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À quoi servent nos rêves?

«Mes rêves sont très fantaisistes. Ils me transportent dans un univers magique. Je visite des maisons avec des passages secrets qui ne ressemblent en rien à celles que je connais dans le monde réel, raconte Marie-France. Le soir, j'ai hâte de me coucher. J'aime dormir et rêver, c'est une partie importante et amusante de ma vie.» Et on peut la comprendre, car la jeune femme de 34 ans s'envole régulièrement dans ses rêves. Elle peut ainsi planer toute la nuit au-dessus du fleuve Saint-Laurent! «Je ne cherche pas de sens profond à mes rêves, mais je suis convaincue qu'ils ne sont pas inutiles», dit-elle. Elle n'a pas tort. Par-delà les interprétations classiques de la psychanalyse et celles, plus farfelues, des dictionnaires des rêves, les chercheurs sont aussi de cet avis.

Les rêves: un outil pour mieux se connaître

«Ce qui allume beaucoup les chercheurs, précise Joseph De Koninck, directeur du laboratoire du sommeil à l'Université d'Ottawa, c'est qu'on s'aperçoit que les éléments les plus importants des rêves sont les émotions. Celles-ci sont le moteur de création des rêves, alors qu'à l'état de veille, c'est notre raison qui prédomine. C'est intéressant de voir que les rêves expriment des inquiétudes et des sentiments d'une façon très imagée», explique-t-il.

Roger Godbout, directeur du laboratoire du sommeil de l'hôpital Rivière-des-Prairies et professeur de psychiatrie à l'Université de Montréal, croit qu'en s'intéressant à nos rêves et aux émotions qu'ils contiennent on apprend à mieux se connaître. «Le rêve peut nous mettre la puce à l'oreille quant à une situation qui nous agace, dit-il. Parfois, le sens s'impose, parfois il faut travailler un peu plus. L'idée n'est pas de prendre tous nos rêves au pied de la lettre, mais, quand ça se répète, d'y prêter attention et d'essayer de faire le lien entre le rêve et un événement de notre vie. Et plus on le fera, plus on sera habile. D'ailleurs, certains psychothérapeutes utilisent les rêves de leurs patients pour les aider à s'observer et à se voir évoluer.»

Nicole Gratton, conférencière et auteure d'une quinzaine de livres sur les rêves et le sommeil, soutient qu'une meilleure connaissance de soi à travers nos rêves peut nous aider à développer notre potentiel. «Je suis une personne assez timide. Or, une nuit, dans un rêve, je me suis vue donner une conférence, très à l'aise devant le public. Au réveil, je me suis dit qu'il y avait peut-être un potentiel de communicatrice en moi. Ça m'a incitée à suivre un cours, et aujourd'hui, je fais des conférences sans éprouver de gêne. Ce potentiel était en moi et c'est un rêve qui me l'a révélé.»

Cela dit, préviennent nos experts, on ne devrait jamais se fier aux dictionnaires de rêves pour comprendre leur sens. «S'il y a une signification à trouver dans nos rêves, il faut la chercher sur une base individuelle, signale Antonio Zadra, professeur de psychologie à l'Université de Montréal et spécialiste des rêves. À chacun ses symboles et ses métaphores. Rêver à un chimpanzé n'a certainement pas la même signification pour moi que pour un employé du Zoo de Granby!»  

Les rêves: des solutions à nos problèmes

Durant le sommeil, le cerveau ne fonctionne pas de la même façon qu'en période d'éveil. «En sommeil paradoxal, les centres du cerveau responsables des émotions sont beaucoup plus actifs que durant l'éveil, indique Joseph De Koninck. En revanche, nos centres de mémoire sont un peu déconnectés. Lors de la construction des rêves, on va chercher des éléments lointains ou oubliés parce qu'on a accès à toutes sortes de banques de mémoire de notre cerveau.» D'autre part, certaines régions du cerveau, comme le cortex frontal, responsable du jugement critique, sont inactives. C'est ce qui explique le caractère absurde de certains rêves. «On peut, par exemple, manger du sucre à la crème avec notre grand-mère même si elle est décédée depuis 15 ans et l'entendre parler avec la voix de Jean Leloup sans être étonné», explique Roger Godbout. En somme, lorsqu'on rêve, il n'y a pas de censure qui s'opère pour organiser les informations de manière rationnelle et sensée. Ce fonctionnement cérébral caractéristique du sommeil nous permet de faire de nouvelles associations et ainsi peut-être à trouver une solution à un problème qui nous tarabuste depuis longtemps. «C'est ce qui rend nos rêves intéressants et c'est ce qui peut les rendre utiles, soutient M. De Koninck.

Sophie, 39 ans, serait tout à fait d'accord avec cette opinion, elle qui dit être parvenue à maîtriser la conduite manuelle grâce à un rêve. «J'essayais depuis des jours et je n'y arrivais pas, se souvient-elle. Une nuit, j'ai rêvé que je conduisais une voiture manuelle. J'ai ressenti clairement la façon dont je devais appuyer sur les pédales pour démarrer correctement. Au réveil, je n'avais qu'une idée en tête: aller conduire. J'ai fait comme dans mon rêve et j'ai réussi!»

Pour nous aider à trouver de nouvelles solutions pendant nos rêves, les spécialistes conseillent de réfléchir au problème avant de se coucher. «Ça fonctionne assez bien, explique M. De Koninck. Comme le rêve exprime parfois la situation d'une manière plus imagée ou d'une façon différente, ça nous permet de voir les choses autrement.» Nicole Gratton suggère d'essayer cette méthode durant au moins un mois. «Les gens seront surpris de voir à quel point leurs rêves seront plus souvent qu'autrement liés à leur intention de départ.»

«L'automne dernier, j'ai vécu un conflit avec une personne en raison d'une divergence marquée d'opinion et j'ai réussi à affirmer clairement ma façon de penser, confie Lina, 48 ans. Après cet événement, j'ai rêvé d'une situation similaire où j'exprimais clairement mon opinion. Pour moi, c'était un signe. Les rêves sont venus confirmer que ma confiance en moi se développait et me permettait de mieux agir dans ce genre de situation, où, auparavant, je me serais défilée pour éviter la confrontation.»

Les rêves: des souvenirs fragiles

On n'arrive pas à se rappeler de nos rêves? C'est fort commun. Le souvenir onirique étant très fragile, il suffit qu'on se réveille rapidement, qu'on regarde l'heure ou qu'on pense à nos responsabilités de la journée pour que la moindre trace de nos rêves disparaisse. Pour s'en rappeler, au réveil, on garde les yeux fermés et on attend cinq minutes avant de se lever. On se demande à quoi on a rêvé et on laisse les images remonter. On place un crayon, une feuille ou un carnet sur notre table de chevet et on note ce qu'il nous reste de nos rêves, même si ce n'est qu'un mot ou une impression. L'effet d'entraînement fera son oeuvre: plus on prend le temps de se rappeler nos rêves au réveil, plus on s'en souvient. Et plus on sera motivée à se souvenir de nos rêves, plus on y parviendra.

 

Trouver une fin heureuse à nos cauchemars

Les rêves qui nous préoccupent le plus seraient, à juste titre, les cauchemars. «On observe souvent dans ces rêves l'expression négative amplifiée d'une expérience et d'un sentiment. Souvent, les rêves vont référer à un événement auquel on n'a pas porté attention, mais qui nous affecte beaucoup. Cela nous donne une idée de notre niveau d'anxiété ou de ce qui nous inquiète et nous préoccupe», explique M. De Koninck.

On ne connaît pas bien la cause des cauchemars. «Environ 15 à 30 % des enfants en font régulièrement, et le phénomène disparaît généralement vers l'âge de 11 ans. On considère que seulement 5 % des adultes en font sur une base régulière», résume-t-il. On sait que les cauchemars peuvent être liés à un traumatisme ou à une mauvaise expérience, comme une agression physique, et qu'ils sont plus fréquents dans les périodes de stress. «Les cauchemars peuvent en effet être liés à des traumatismes passés qui n'ont pas été réglés, ajoute M. De Koninck. Par exemple, près de 80 % des soldats qui reviennent de zones de guerre ont des cauchemars.» Cela dit, même si les chercheurs n'arrivent pas à prédire quand ils surviennent, ils ont réussi à mettre au point deux techniques pour s'en débarrasser.

Il y a d'abord le rêve lucide, où l'on contrôle le scénario du cauchemar pour changer l'histoire pendant qu'on rêve. «L'exemple le plus simple, c'est quand on rêve qu'on est poursuivi, qu'on se rend compte qu'il s'agit d'un rêve et qu'on se réveille pour mettre fin à la poursuite, indique M. De Koninck. C'est une première étape. Cet exercice va plus loin si on prend conscience qu'on rêve, qu'on reste dans le rêve et qu'on en change le contenu.»

«Les rêves lucides ont été étudiés en laboratoire, indique Antonio Zadra. On sait qu'ils surviennent pendant le sommeil paradoxal. On pense que, lors des rêves lucides, certaines parties du cerveau qui fonctionnent habituellement moins durant le sommeil paradoxal, entre autres les lobes frontaux liés au jugement, redeviennent actifs. C'est ce qui permet d'être un peu plus logique et de planifier ce qu'on veut faire dans ce genre de rêve.»

La technique de l'imagerie répétée est aussi très efficace. On écrit notre cauchemar et on en transforme le scénario en imaginant un dénouement agréable. «Par exemple, si on est poursuivi, on imagine qu'on se retourne vers notre agresseur pour le maîtriser», ajoute M. De Koninck. En visualisant mentalement le scénario positif avant de se coucher, on obtient graduellement une transformation de nos cauchemars en rêves normaux.

En conclusion, à la lumière de ces recherches, le rêve apparaît moins inaccessible et abstrus qu'on a tendance à le percevoir. Pour peu qu'on prenne le temps de l'écouter, on se rend compte qu'il jette un regard nouveau sur des questions qui nous préoccupent et peut même nous souffler des solutions à nos problèmes, petits et grands. De plus, les techniques mentionnées ci-dessus permettent même d'en influencer le déroulement à notre avantage. Harnacher la puissance du rêve? Y'a de quoi rêver!

Rêves et sommeil paradoxal

 

Lorsque nous dormons, nous expérimentons deux types de sommeil. Nos nuits débutent par des phases de sommeil lent au cours desquelles notre métabolisme ralentit (la température corporelle baisse, les fréquences cardiaques et la respiration s'espacent) pour permettre une restauration physique. Diverses hormones s'affairent alors à réparer les tissus et à stimuler le rétablissement immunitaire, par exemple.

Ces épisodes de sommeil lent sont entrecoupés de sommeil paradoxal. Notre cerveau n'arrête jamais de fonctionner et les chercheurs ont démontré qu'il y a du rêve toute la nuit. Mais c'est en sommeil paradoxal, alors que l'activité cérébrale augmente pour atteindre le même niveau qu'à l'état de veille, qu'on a nos rêves les plus élaborés. Difficile, toutefois, de comptabiliser le nombre de rêves qu'on fait chaque nuit. «On a quatre ou cinq périodes de sommeil paradoxal par nuit. Mais on peut faire plus d'un rêve par période, précise M. De Koninck. Le simple fait de bouger dans notre lit peut changer la séquence du rêve ou nous amener dans un autre scénario.»

«Une fois endormi, on met environ 90 minutes pour atteindre le stade du sommeil paradoxal, indique M. De Koninck. Cette première période dure 5 à 10 minutes. La deuxième dure 15 à 20 minutes. Et les périodes suivantes peuvent s'étirer de 30 à 45 minutes. Plus on avance dans la nuit, moins on a de sommeil lent profond et plus on a de sommeil paradoxal.»

Les scientifiques s'intéressent beaucoup au sommeil paradoxal. À tort, on a déjà attribué aux rêves le pouvoir d'évacuer le stress ou de consolider nos émotions. «Beaucoup de gens confondent les fonctions du rêve avec celles du sommeil paradoxal», explique Antonio Zadra. Le sommeil paradoxal, pendant lequel se produisent la majorité de nos rêves, joue en effet un rôle important dans la consolidation des apprentissages et dans la mémorisation de nos expériences diurnes. «En période d'éveil, on mémorise une tonne d'informations: numéros de téléphone, leçons, recettes, itinéraires, etc. Pendant le sommeil paradoxal, le cerveau rejoue ces informations et, à la manière d'un ordinateur, il les comprime et les dépose dans notre mémoire à long terme», indique Roger Godbout. Les expériences effectuées par l'équipe du professeur De Koninck confirment cette explication. «On a étudié le sommeil de gens qui apprennent une langue seconde de manière intensive, et on s'est aperçu que, pendant leur apprentissage, leurs périodes de sommeil paradoxal augmentaient durant la nuit afin de consolider l'information. Mais leurs rêves ne faisaient pas nécessairement référence à la nouvelle langue. De telle sorte que la consolidation de leurs apprentissages ne s'est pas faite dans le rêve, mais grâce au sommeil paradoxal sous-jacent.»

Les rêves: une source d'inspiration?

Beaucoup d'artistes trouvent dans leurs rêves des sources d'inspiration. En 2007, des chercheurs italiens ont comparé les rêves de musiciens avec ceux de non-musiciens. Ils n'ont pas été surpris de constater que les musiciens entendaient plus souvent de la musique dans leurs rêves que les non-musiciens. Mais ce qui est spectaculaire, c'est que 30 % des mélodies entendues en rêve par les musiciens étaient nouvelles!

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