On s’est rencontrés à l’université. J’y faisais mon entrée à l’âge de 20 ans. Il effectuait un retour sur les bancs de l’école à 31 ans. J’étais jeune, timide et introvertie. Il était sociable, rassembleur et sûr de lui en société. Malgré ces différences, cela a cliqué entre nous. Mais notre couple était loin de faire l’unanimité dans notre entourage...

Ma mère était fortement en désaccord avec notre relation. Elle le trouvait trop vieux pour moi et ne croyait pas que notre couple fonctionnerait. Parmi nos amis, certains se disaient que j’étais avec lui pour son argent (j’étais une jeune étudiante survivant grâce aux prêts et bourses, tandis que lui provenait d’une famille nantie et avait travaillé pour l’entreprise familiale presque toute sa vie).

D’autres pensaient que j’étais en quête d’une figure paternelle ou que lui profitait d’une «petite jeune». Les gens ne pouvaient pas concevoir que c’était juste l’amour qui nous unissait. Et plus ils cherchaient d’explications possibles, plus je croulais sous les préjugés.

Notre première année de couple a été extrêmement difficile pour moi. Quand on aime, on finit par oublier l’âge de l’autre, mais il y a toujours quelqu’un pour nous le rappeler. Il faut dire qu’à 20 ans, je paraissais en avoir 16, alors que lui faisait vieux. Physiquement, la différence d’âge semblait encore plus importante. Dans les endroits publics, comme au restaurant, les gens le prenaient parfois pour mon père et je devais encaisser des remarques du genre «Est-ce votre père qui payera l’addition?» Ces commentaires me blessaient profondément.

Avec du recul, je réalise que je me préoccupais beaucoup trop de ce que les gens pensaient. Je me remettais en question chaque fois que je croisais un regard désapprobateur dans la rue ou que j’entendais une remarque désobligeante. Je me demandais si j’étais normale, s’il n’y avait effectivement pas une part de moi qui cherchait un père. Je me disais qu’il valait peut-être mieux que je trouve quelqu’un de mon âge. Bref, je livrais un combat perpétuel avec moi-même pour rester dans cette relation.

«C’est normal de se remettre en question lorsque notre couple ne reçoit pas l’approbation de nos amis et de notre famille, quand il provoque des réactions négatives autour de nous, surtout quand on a 20 ans et qu’on manque encore de confiance en soi, commente Élise Bourque, psychothérapeute et sexologue. Mais pour que la relation fonctionne, il faut arrêter de se préoccuper des autres et s’écouter, suivre sa propre voie. Si notre tête, notre cœur et notre corps disent oui, ça veut dire qu’on est avec la bonne personne.»

Un jour, j’ai compris que l’amour n’a pas d’âge et que ce sont les sentiments qui décident. Si, physiquement, notre différence d’âge paraissait beaucoup, psychologiquement, on était exactement sur la même longueur d’onde. J’étais très mature et il était jeune de cœur; alors, on était à la même place dans la vie, on voulait les mêmes choses et on avait les mêmes centres d’intérêt. C’est pour ça que ça fonctionnait si bien entre nous, je pense.

«Les études montrent que c’est plus difficile d’être en couple lorsqu’il y a un écart d’âge de plus de 10 ans, entre autres parce que les partenaires ne sont pas de la même génération. Ils ne possèdent donc pas les mêmes références culturelles, les mêmes repères. Mais “plus difficile” ne signifie pas “impossible”. Une relation basée sur un amour sincère et le respect des différences a toutes les chances de fonctionner. L’âge n’est qu’un chiffre, après tout», conclut Élise Bourque.

J’ai finalement choisi l’amour. Cela m’a permis de passer par-dessus les préjugés, de me ficher du regard des autres et des commentaires déplacés. Puis, en nous voyant heureux ensemble, nos amis et nos familles ont fini par mettre de côté leur méfiance et par accepter notre relation. En fin de compte, c’est comme si le temps nous avait donné raison.