Grossesse

La déprime durant la grossesse

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Auteur : Coup de Pouce

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La déprime durant la grossesse

Même si notre ventre s’arrondit comme une lune pendant la grossesse, on se surprend à être déprimées alors que tout le monde nous voudrait rayonnantes de bonheur. Lumière sur la déprime durant la grossesse.

Le phénomène est peu connu - et presque tabou! -, mais le cafard touche bien des femmes enceintes. Les recherches cliniques montrent que 10 % des futures mamans souffrent d'une dépression durant la grossesse. Sans sombrer dans une véritable dépression, vivre une déprime passagère ou avoir le vague à l'âme est fréquent chez les femmes enceintes.

 

Effectivement, durant la grossesse, tout concorde pour nous bouleverser: fluctuations hormonales, manque de sommeil, fatigue, prise de poids, transformation de notre corps et aussi chambardements psychologiques.  «Devenir parent est un moment charnière dans une vie. Durant neuf mois, on vit des chambardements hormonaux passagers, mais on sent aussi que certains bouleversements vont changer notre vie à tout jamais, sur plusieurs plans. C'est normal de s'interroger», note Gaétane Tremblay, directrice générale du groupe Les Relevailles, de Québec, qui accompagne les parents de jeunes enfants dans leur adaptation au rôle parental. 

 

Malheureuse alors que je devrais être la plus heureuse...

«Les mères abordent souvent la maternité avec un esprit de performance. Elles veulent réussir, faire du sport jusqu'à la fin et, de fait, elles vivent un stress de performance aussi», observe Isabelle Roy, accompagnante à la naissance. Les images de femmes enceintes resplendissantes de bonheur sont omniprésentes. On les dit rayonnantes, on les voit presque comme un symbole de bonheur ambulant. Mais quand on se sent en décalage par rapport à ce qu'on devrait être, comment vivre pleinement notre émotion sans se sentir coupable?

Certaines femmes n'aiment pas leur corps, d'autres s'en sentent dépossédées, comme s'il ne leur appartenait plus. Certaines futures mamans angoissent à l'idée ne pas trouver une garderie à temps, d'autres redoutent leur retour au travail... alors qu'elles ne l'ont pas encore quitté. Beaucoup vivent dans la projection. Est-ce que je serai une bonne mère? Et si mon bébé ne m'aimait pas? Et si on n'arrivait plus dans notre budget? Va-t-il falloir changer d'auto? Et si, et si, et si... Pour une femme déjà légèrement angoissée, cette période riche en émotions risque d'intensifier ses inquiétudes. Selon Gaétane Tremblay, la clé demeure de revenir au moment présent. «Revenir à soi et voir notre condition dans une perspective plus large, c'est-à-dire que d'autres femmes sont passées par là avant nous et sûrement de la même manière que nous, alors on accepte déjà mieux qu'il y ait des choses qui n'aillent pas toujours bien.»

Vivre un jour à la fois et apprivoiser le lâcher prise est une étape primordiale durant la grossesse (qui dure peut-être neuf mois pour nous permettre de mieux s'adapter à toutes ces transformations physiques et psychologiques!). La maternité entre dans un cycle de recherche intense de performance et de perfection. «Les femmes ressentent aussi une pression à la consommation et, étrangement, elles passent plus de temps à magasiner une poussette ou à décorer la chambre qu'à prendre du temps pour elles pour apprivoiser les transformations qui s'opèrent en elles», souligne Gaétane Tremblay.

 

Mais il demeure que bien des mamans en devenir hésitent à parler de leurs inquiétudes, de leur stress et de leurs petits bobos. Nous sommes dans une société où l'apparence physique a beaucoup d'importance, certaines femmes ne sont pas à l'aise dans leur nouveau corps et ses rondeurs. D'autres ne s'autorisent pas à être déprimées, à avoir mal ou à être simplement tannées de leur état. Pourtant, dans notre vie de tous les jours, tout n'est pas au beau fixe. «Il faut que les futures mamans se permettent de vivre leurs émotions. Si elles les refoulent tout le temps, la déprime s'accentue et elles se considèrent comme des monstres de ressentir cela. Pourtant, ce n'est pas du tout le cas», estime Isabelle Roy. Le processus de donner la vie implique tellement de changements physiologiques, et pas seulement psychologiques, il faut le rappeler. C'est normal... Suffit parfois d'en parler pour se rendre compte qu'on n'est pas seule à se sentir en décalage.

 

Comment chasser le cafard?

Accepter nos émotions. Simple à dire, mais moins à faire. Pour s'aider, on essaie de vivre dans le moment présent sans ruminer le passé ni se projeter trop dans l'avenir. On vit une peine ou un stress: on songe à ce qui nous ferait plaisir. Un petit café au lait, un bain chaud et moussant, une pause sur la terrasse, une marche dans un parc durant l'heure du lunch: on se choisit de petits bonheurs qui nous font du bien. On peut même se bricoler une boîte de bonheurs dans laquelle on pige un petit plaisir à s'offrir.

Trouver une oreille attentive. Cette personne prête à nous écouter sans nous juger peut être une amie, mais aussi une collègue, une cousine, une tante. Souvent, quand on se tourne vers une autre femme qui est enceinte ou qui a des enfants, on sent qu'elle nous comprend encore mieux.

Écrire. Mettre sur papier nos émotions nous permet d'évacuer le trop-plein d'émotions. Si on a toujours l'impression de déranger quand on en parle ou si on est gênées de nos pensées, l'écrire peut nous permettre de nous libérer sans embêter personne.

Joindre un groupe de discussion sur Internet. S'entourer de personnes qui vivent les mêmes choses ouvre la porte à de réelles confidences. On finit par dire ce qu'on refoule devant notre conjoint ou même notre meilleure amie.

 

Faire appel à une accompagnante. Sa présence rassurante pendant la grossesse et durant l'accouchement rassure les futures mamans. Ainsi, on aborde l'accouchement avec moins d'appréhension et on sait qu'on peut lui poser toutes nos questions, parfois plus librement qu'à notre médecin.

Faire des activités qui nous ressemblent. Si le yoga nous a toujours ennuyées, pas question d'en faire simplement parce que c'est l'activité «in» des femmes enceintes. Certaines femmes continuent les activités qu'elles faisaient avant d'être enceintes: jogging, vélo, aérobie, etc. (vérifiez avec votre médecin si votre condition vous le permet).

Remodeler nos plaisirs. La grossesse entraîne quelques privations. Si on aimait prendre une coupe de vin le vendredi soir après le boulot pour relaxer, on essaie de voir ce qui pourrait remplacer ce petit plaisir. Des sushis végé, peut-être? Une pâtisserie gourmande?

Impliquer son conjoint. Ainsi, on se sent moins seule dans l'aventure et le futur papa est plus sensible à notre état en constante mouvance. L'impliquer dans les cours prénataux, bien sûr, mais pourquoi pas aussi débuter une activité à deux, un sport ou autres sorties. Certaines préparations à l'accouchement impliquent physiquement le conjoint qui sent alors qu'il a une place à prendre (p. ex., ballon-forme qui offre un cours de préparation à l'accouchement avec un ballon d'exercices).   

Rechercher les femmes enceintes. On les trouve dans les cours prénataux, les séances de yoga prénatal ou à la piscine municipale. On n'hésite pas à échanger nos numéros de téléphone. Des nouvelles amies? On dit oui!

Consulter un spécialiste au besoin. Si la déprime ne s'estompe pas et si les symptômes s'intensifient au lieu de se résorber, on consulte un psychologue. Beaucoup de CLSC offrent des services de dépannage. On peut aussi demander de l'aide à notre médecin. Nul besoin d'attendre une crise aigüe, car si on ignore une vraie dépression, on multiplie les risques de sombrer dans une dépression post-partum par la suite. Selon l'Institut universitaire en santé mentale du Québec, 35 % des femmes ayant fait une dépression durant la grossesse continueront de vivre des épisodes dépressifs une fois le bébé né.

Ça m'est arrivé!

«Lors de mes deux grossesses, je me suis sentie comme une extraterrestre de ne pas aimer ça être enceinte. Je sentais très peu bouger mon premier bébé - vers la fin, j'avais des coups de pieds dans les intestins au lieu d'avoir des belles vagues de bedaine! De plus, j'avais des nausées, des vomissements et des reflux gastriques atroces. Je ne sais pas si on peut catégoriser ça comme de la déprime, mais certainement comme de la lassitude, qui a duré neuf mois.

J'ai souvent dit qu'une grossesse, je revivrais ça juste pour les bons moments: le test positif, les rendez-vous chez le doc pour entendre le coeur, les échographies et l'accouchement. Mais que, sinon, c'était un vrai enfer à vivre! Les changements du corps que la grossesse entraîne, les incapacités physiques reliées à mes grossesses - j'étais tellement mal physiquement que je n'avais plus le goût de bouger pour continuer mes activités ou faire des projets. Et ça, ça m'a occasionné de grandes crises de larmes. Heureusement que j'ai un mari en or qui m'a permis de relativiser le tout.»

Julie, maman d'Antoine, 5 ans et de Rosalie, 2 ans et demi.

 

«J'ai trois enfants et j'ai eu, médicalement parlant, de "belles grossesses". Je me suis flatté la bedaine pendant des mois, mais... il y avait toujours un MAIS! Je dois l'avouer, à part avoir un magnifique ventre bien rond, je n'aime pas être enceinte! J'ai fait de l'aqua-maman durant mes trois grossesses, histoire de passer le temps. J'ai aussi préparé intensivement la venue de chaque bébé, mais ça ne faisait que passer le temps. Rien de tout cela n'enlevait la peine que j'avais en dedans. Je ne sais pas pour quelle raison, les hormones de grossesses viennent avec un lot incalculable de larmes! Pourtant, je suis une personne ayant le bonheur facile. Enceinte, je pleure durant neuf mois et j'ai l'impression de louer mon corps au bébé que je porte! Pourtant, j'aimais ce gros ventre que j'avais et je me trouvais belle! Mais le moindre et plus banal différend est 100 000 fois pire! Puis un beau jour, je finis par accoucher et je me retrouve enfin, je reprends le dessus sur mon corps, sur ma vie!»

Marie-Claude, maman de Lorie-Jane, 6 ans, de Léo, 2 ans et de Ludo, 7 mois.

 

«Quand j'ai appris que j'étais enceinte, j'avais du mal à y croire. C'est arrivé tellement vite. J'ai eu un choc et j'ai pleuré pendant des semaines. Les félicitations me rendaient mal à l'aise puisque je sentais que je n'avais fait aucun effort pour que ça arrive. Mon chum trouvait ça difficile de ne pas me voir heureuse. Au fond de moi, j'étais vraiment contente, mais les changements qui se multipliaient dans mon corps et dans ma tête étaient difficiles à accepter. Je me sentais aussi frustrée de ne plus pouvoir pratiquer mes activités comme avant. J'ai lu un article de magazine dans lequel la jeune femme racontait avoir détesté être enceinte. Cette lecture m'a littéralement délivrée! Ça m'a fait du bien de constater que je n'étais pas la seule dans cette situation. J'avoue maintenant que la grossesse n'est pas la période la plus heureuse de ma vie. J'assume mes crises de larmes et d'angoisse souvent guidées par des variations d'hormones. Le fait de ne plus avoir peur de mes émotions m'a aidée à bien vivre ma grossesse et à imaginer en vivre plus qu'une!»

Marie-Élaine, enceinte de 8 mois.

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