Nutrition

Les poissons du Québec, bons à manger?

Les poissons du Québec, bons à manger?

iStockphoto Photographe : iStockphoto Auteur : Coup de Pouce

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Les poissons du Québec, bons à manger?

On dit que manger du poisson est bon pour la santé. Mais qu’en est-il des poissons pêchés dans les lacs et rivières du Québec? Peut-on les consommer sans crainte?

Des centaines de milliers de Québécois s'adonnent à la pêche sportive dans les lacs et rivières de la province. Selon une enquête de Pêche et Océans Canada, 655 764 Québécois auraient pratiqué la pêche sportive en 2005, et ils y auraient consacré en moyenne 13,7 jours chacun. Ensemble, ces pêcheurs prennent chaque année plus de 100 millions de poissons. Or, ils ignorent peut-être que leurs prises peuvent être contaminées et qu'elles doivent être consommées avec prudence.

Des données recueillies entre 1978 et 2007 dans le cadre d'un programme de surveillance de la contamination du milieu aquatique du gouvernement du Québec démontrent que les poissons d'eau douce contiennent des contaminants à des taux variant selon les espèces et les zones de capture. On a trouvé dans la chair des poissons analysés des substances telles que du mercure, des biphényles polychlorés (BPC), du mirex, du DDT, de l'hexachlorobenzène (HCB), de la dieldrine et des dioxines et furannes. Une contamination surtout attribuable à l'activité humaine: agriculture, pesticides, industries, etc.

Dans le cas des BPC, du mirex et des dioxines et furannes, les teneurs étaient sous la barre des limites acceptables établies par Santé Canada pour la mise en marché des produits de la pêche. Mais en ce qui concerne le mercure, elles dépassaient le 0,5 ppm (partie par million) jugé acceptable, et ce, pour plusieurs espèces.

Il n'y aurait cependant pas lieu de s'alarmer, selon Albert Nantel, médecin-conseil à la Direction de la santé environnementale et de la toxicologie de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). «Le Québécois moyen adepte de pêche sportive qui mange occasionnellement ses prises ne risque rien. Toutefois, il doit prendre certaines précautions quant à la quantité et à la fréquence de consommation, en particulier s'il s'agit d'une femme enceinte ou qui allaite», dit-il.

Des poissons à manger avec modération

Les poissons piscivores, c'est-à-dire qui se nourrissent d'autres poissons, tels que le doré, le brochet, le touladi, l'achigan et le maskinongé sont à manger avec modération. «Le ministère de la Santé recommande au maximum un ou deux repas par mois de ces espèces», spécifie le Dr Nantel. On doit se aussi méfier des poissons de grande taille, qui sont plus âgés et risquent d'être plus contaminés.

Pour aider les pêcheurs à s'y retrouver, le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs a publié le Guide de consommation du poisson de pêche sportive en eau douce. Ce document fait le point sur la situation de deux douzaines d'espèces qu'on peut trouver dans plus de 700 plans d'eau du Québec, soit ceux les plus fréquentés par les pêcheurs à la ligne. Le nombre de repas de 230 grammes (huit onces avant la cuisson) de poisson que l'on peut prendre, selon l'espèce et la taille, y est déterminé sur une base mensuelle.

Le mercure et la santé

Quand la teneur en mercure des poissons dépasse la directive de Santé Canada, le guide ministériel conseille de réduire la fréquence de consommation à deux portions ou moins par semaine, selon l'espèce. Ces recommandations s'appliquent à une consommation régulière à long terme. Si elle est occasionnelle, le temps d'un voyage de pêche par exemple, on peut dépasser cette quantité. On doit ensuite s'imposer une période sans poisson.

Le mercure provient des déchets industriels, mais aussi de ceux de source naturelle. On le trouve notamment dans le sol du Bouclier canadien, précise Michel Baril, biologiste pour la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs. Les barrages hydroélectriques ont également contribué à la pollution par le mercure en inondant de vastes territoires. En se décomposant, les végétaux noyés libèrent du méthylmercure, qui devient assimilable par les poissons et les micro-organismes vivant dans l'eau.

Le Dr Nantel souligne que la presque totalité du mercure contenu dans les poissons contaminés est absorbée par le corps et se retrouve dans le sang, avant d'être lentement éliminée. «Le corps élimine la moitié du mercure ingéré en 70 jours. Les 70 suivants, 50 % du mercure restant est éliminé, et ainsi de suite», explique-t-il.

Or, le méthylmercure a tendance à s'accumuler dans le cerveau et à affecter le système nerveux. Chez des personnes intoxiquées, les principaux effets sont des problèmes de coordination des mouvements, une faiblesse musculaire ainsi qu'une atteinte de la sensibilité, du langage, de la vision et de l'audition. On a aussi observé des problèmes neurologiques (retard mental, troubles de coordination, paralysie) chez les nouveau-nés de mères fortement exposées à cette substance.

Même en milieu isolé

Et ce n'est pas parce que le lac est éloigné des villes ou retiré au milieu de la forêt que le poisson pêché sera moins contaminé. Un groupe de recherche associé au département de science et de l'environnement de l'UQAM a déjà constaté que des dorés provenant d'une zone au nord du Québec renfermaient plus de mercure que ceux pris dans un lac près de Montréal. L'explication? Les poissons dans des lacs isolés vivent en général plus longtemps et emmagasinent donc davantage de mercure.

Quant aux autres produits chimiques présents dans la chair des poissons pêchés au Québec, appelés composés organochlorés (BPC, DDT, mirex, etc.), ils s'accumulent dans la graisse, les viscères et la peau de l'animal. On recommande de rejeter systématiquement ces parties et de ne pas consommer le jus de cuisson.

Moins de polluants dans nos cours d'eau

Les pêcheurs peuvent cependant se réjouir, car la qualité de l'eau s'est grandement améliorée depuis une trentaine d'années, souligne Michel Baril. «Même s'il reste bien du chemin à faire, le taux de mercure a bien diminué dans nos cours d'eau en raison, notamment, de normes environnementales plus strictes et de programmes de sensibilisation dans le milieu agricole.» Et de la réduction des pluies acides en provenance des centrales au charbon des Grands Lacs, ajoute le Dr Nantel.

La présence de contaminants dans certaines espèces de poissons d'eau douce ne devrait pas empêcher les pêcheurs de se nourrir de leurs prises, car si on fait preuve de prudence, les bienfaits pour la santé rattachés à la consommation de poisson dépassent largement les risques encourus. «On diversifie les espèces que l'on mange lors d'un voyage de pêche. On reste aussi vigilant chez le poissonnier en limitant sa consommation de thon et de requin», conseille le Dr Nantel.

Pour connaître les zones et les espèces les plus à risque, on peut consulter le site Web du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs. Il nous sera ainsi possible de vérifier les résultats obtenus - mis à jour régulièrement - dans le lac ou la rivière où on prévoit pêcher et de connaître les recommandations touchant les espèces testées.

  

Conseils aux pêcheurs d'eau douce

- Manger les filets de poisson pour éviter les contaminants organochlorés (BPC, DDT, dioxines), qui se trouvent surtout dans la peau et la graisse.

- Préférer les petits poissons, qui contiennent moins de mercure.

- Faire cuire ou congeler les poissons pêchés pour éliminer les parasites ou tuer les larves.

  

Saviez-vous que?

De tous les poissons analysés dans le fleuve Saint-Laurent, l'anguille est l'espèce la plus contaminée - on y a détecté des BPC et du mirex (pesticide). Il est fortement recommandé aux femmes enceintes ou qui allaitent et aux jeunes enfants de s'abstenir d'en consommer.

Références

Le poisson, l'environnement et la santé, ministère de la Santé et des Services sociaux

 

Guide de consommation du poisson de pêche sportive en eau douce, ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs

 

Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs

 

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