Vie de famille

Élever son enfant seule

Élever son enfant seule

Anne Villeneuve Photographe : Anne Villeneuve Auteur : Coup de Pouce

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Élever son enfant seule

Adopter un enfant seule, c’est aussi accepter que sans les autres, on est foutue. Notre journaliste, Linda Priestley nous confie une belle leçon de sa vie de maman.

Selon Annie, maman célibataire et travailleuse sociale, avoir un enfant sans partenaire, c'est comme embarquer sur un navire pour une longue traversée de l'océan sans équipage.

Décider de devenir parent en solo, ça prend une bonne dose de courage et le pied marin. Il faut être drôlement organisée et solide sur tous les plans - financier, physique, émotionnel -, puisque c'est le minimum requis pour être à la barre 24 heures par jour, sept jours sur sept. Mais, comme on ne peut pas tout faire toute seule tout le temps, on a parfois besoin de se fier à des matelots dévoués, qui nous aideront à mener notre bateau à bon port.

Au départ, je voulais réaliser seule ma fabuleuse odyssée. J'avais réorganisé ma vie pour accueillir fiston, entrepris toutes les démarches nécessaires pour l'adopter (au Mali), traversé l'Atlantique pour aller le chercher; j'étais bien capable de m'en occuper sans l'aide de quiconque. Mais à peine avais-je mis le pied à Bamako que j'ai compris que les choses ne se dérouleraient pas comme je le voulais. D'abord, jour un, mon petit coco étant mal en point, il a fallu dénicher un docteur au plus vite. C'est Annie, dont le bambin avait aussi besoin de soins médicaux, qui s'est débrouillée pour en trouver un. Jour deux, fiston est tombé du lit. Une Malienne qui passait par là s'est empressée de me consoler en me disant: «Tut tut, ça suffit, vous n'avez pas à vous en faire, il a la tête dure, votre petit.» Jours trois, quatre, cinq et ainsi de suite jusqu'à notre départ pour le Canada, j'ai reçu de l'amour et du soutien de gens que je ne connaissais même pas. J'aurais pu ressentir un vif malaise, mais, sans doute sous le coup de l'émotion et de l'insoutenable chaleur de Bamako, j'ai cédé à cette vague de solidarité communautaire. Même quand une autre femme me prenait des bras mon petit ange pour le bercer, je me détendais, pleine de confiance. «Ici, c'est comme ça, nous disait Bana, notre guide. On donne ainsi aux mères la chance de se reposer un peu.»

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Katha Pollitt, poète et féministe américaine, a écrit dans son recueil de nouvelles Learning to Drive: «La maternité, au lieu de vous enlever du pouvoir et de vous isoler, devrait au contraire vous rendre plus puissante, plus connectée aux autres et vous plonger au cœur de l'action.» La mère africaine l'a bien compris: sans les autres, elle est foutue. Et c'est doublement vrai pour les mamans en solo. «Je le constate régulièrement: celles qui ne tissent aucun lien avec les autres éprouvent plus de difficulté à remplir leurs fonctions de chef de famille et se sentent souvent démunies», rapporte Marianne Roberge, présidente et conseillère chez Koevä, une entreprise spécialisée en accompagnement à la conciliation travail-famille auprès des familles, des organismes communautaires et des entreprises. «Celles qui n'hésitent pas à chercher du soutien ont quant à elles de meilleures chances de réussir leur vie de famille et d'être épanouies. Et ça, c'est aussi gagnant pour les enfants.»

Pour ma part, c'est bien cela que j'ai envie d'enseigner à mon petit mousse qui, depuis quelque temps, aimerait prendre le gouvernail et mener notre barque à sa façon (on dit que les enfants de famille monoparentale apprivoisent l'autonomie très rapidement). La vie n'est pas un long fleuve tranquille pour les mamans en solo, mais à 2, à 3, à 4, à 100, la traversée sera moins houleuse et certainement plus enrichissante.  

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