Vie de famille

Apprendre de bonnes habitudes financières à nos enfants

Apprendre de bonnes habitudes financières à nos enfants

istockphoto.com Photographe : istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

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Apprendre de bonnes habitudes financières à nos enfants

L'argent pousse dans les arbres. C'est ce que croient plusieurs enfants, même grands! Voici des pistes pour leur inculquer de meilleures habitudes financières.

Mon fils de 9 ans dit que tous ses amis ont de l'argent de poche, sauf lui. Devrais-je lui en donner?

«Oui, car l'argent de poche a une valeur éducative, affirme Marie Lachance, professeure au Département d'économie agroalimentaire et sciences de la consommation de l'Université Laval. C'est une façon d'enseigner à l'enfant à gérer de l'argent et à faire des choix responsables. » Et ça rapporte: les jeunes adultes à qui on a donné une allocation pendant leur enfance sont plus susceptibles d'épargner que ceux qui n'en ont pas eu, selon une étude de la chercheuse. Avec l'autre système, celui sur demande, notre héritier réclame de l'argent chaque fois qu'il veut quelque chose et n'apprend rien. Sauf, peut-être, à toujours en quêter davantage.

À quel âge commencer? Il n'y a pas de règle précise. Certains parents en donnent dès 5 ou 6 ans, d'autres attendent à 10 ou 12 ans. Le plus important, c'est de lier une responsabilité financière à l'argent de poche. L'enfant doit notamment l'utiliser pour assumer certaines dépenses qu'on faisait pour lui auparavant. Marie Lachance conseille d'exprimer clairement nos attentes: «Maintenant, tu paies tes sorties au cinéma et au resto, les cadeaux lors des fêtes d'amis, la musique que tu télécharges, etc.» Évidemment, on ajuste le montant en fonction des dépenses qu'on lui demande de gérer et on l'aide à les planifier. L'allocation permet également à l'enfant de s'initier à l'épargne en se fixant des objectifs pour se procurer un bien de plus grande valeur. Par exemple, si notre fils souhaite acheter un jeu vidéo, il doit calculer combien de semaines il devra économiser pour le payer, et mettre son plan en marche. «Il apprend ainsi à économiser pour réaliser un projet, à attendre, à ne pas tout dépenser d'un coup, énumère Myriam Chagnon, conseillère au volet Jeunesse d'Option consommateurs. Il apprend aussi à faire des choix: s'il met de l'argent de côté pour son jeu, il devra se passer de certaines choses, comme une sortie au cinéma avec ses amis.»

Pour rendre l'argent de poche le plus éducatif possible, on adopte ces bonnes pratiques:

  • On le verse toujours le même jour. Pour que l'enfant apprenne à gérer, à planifier et à se fixer des objectifs d'épargne, il doit pouvoir compter sur une rentrée de fonds régulière.
  • On donne le montant en différentes coupures. «Quand l'enfant reçoit deux pièces de 2 $ et une de 1 $, par exemple, c'est plus facile d'en mettre une de côté pour l'épargne, explique Myriam Chagnon. Alors que s'il a un billet de 5 $, il devra dépenser pour le fractionner.»
  • Les avances sont des exceptions pour des dépenses imprévues ou inhabituelles. Elles doivent toujours être remboursées: «Les deux prochaines semaines, je retrancherai 5 $ de ton allocation.»

 

 

Comment faire pour que mon enfant soit moins dépensier?

D'abord, on prend conscience de notre propre comportement et on le corrige, s'il y a lieu. «On est un modèle pour notre enfant, rappelle Marie Lachance. Si l'argent nous brûle les doigts, les chances sont grandes qu'il en soit de même pour lui.» Cela dit, s'il dépense trop, on l'incite à faire l'inventaire de ses achats pour qu'il réalise où passe son argent. «On lui explique que s'il dépense tout en vêtements, en sorties ou en friandises, il n'arrivera jamais à financer ses projets plus ambitieux», dit la chercheuse. On l'aide aussi à planifier le montant qu'il devra épargner chaque semaine pour atteindre son objectif. Il veut acheter quelque chose qui, selon nous, est inutile? On discute avec lui de ses motivations et on lui suggère d'y réfléchir quelques jours. S'il y tient toujours, il devra vivre avec sa décision. «Il est bon de lui laisser la liberté de faire des erreurs afin qu'il en assume les conséquences et qu'il en tire une leçon», souligne Myriam Chagnon. Si l'achat n'en valait pas la peine, c'est son argent qu'il aura gaspillé. S'il dépense son allocation en deux jours, pas question de remettre la main à notre poche avant une semaine!

Devrait-on l'obliger à épargner? À nous de voir, mais on devrait l'y encourager fortement. Claude, père de 3 enfants de 11 à 16 ans, ajoute 10 % aux sommes qu'ils déposent dans leur compte d'épargne. Si on en a les moyens, on peut même aller jusqu'à donner un dollar pour chaque dollar épargné. L'argent mis de côté peut servir à faire grossir le compte de banque, mais aussi à atteindre un objectif particulier, comme des cours d'équitation ou un vélo.

Mon ado, qui sort avec une fille depuis un mois, veut lui offrir un bijou de 100$ pour son anniversaire. Je trouve qu'il exagère.

«Pour notre ado, c'est l'amour de sa vie, note Caroline Lauzon, psychoéducatrice au CSSS Richelieu-Yamaska. Il trouve normal de lui offrir un cadeau à la mesure de ses sentiments. Notre vision d'adulte est plus réaliste. On sait que les amours adolescentes sont souvent éphémères et on estime que 100$, c'est beaucoup!» Une façon habile de lui présenter notre point de vue consiste à lui dire que ce n'est pas tant la valeur du cadeau qui fait plaisir, mais le geste. Et on ajoute: «Tu pourrais attendre à Noël prochain pour lui donner un gros cadeau. Ce serait l'occasion de souligner que vous sortez ensemble depuis longtemps.» Ainsi, on passe notre message, mais sans dire qu'on croit que sa relation aura une durée limitée. S'il change de petite amie tous les deux mois, on est plus directe: «Tes autres relations ont été courtes. Je voudrais que tu réfléchisses encore avant de dépenser cette somme. Je me trompe peut-être, mais j'ai l'impression que tu le regretteras.» On tente aussi de lui faire réaliser l'impact d'une telle dépense sur son budget: «Si tu achètes un cadeau de 100 $ à Jessica, avec quoi paieras-tu le reste?» C'est son argent, il est libre d'en disposer à sa guise. Mais on le prévient qu'on ne lui en donnera pas plus s'il venait à en manquer. Ainsi, il prendra sa décision en toute connaissance de cause.

Ma fille de 16 ans veut que je lui paie des petits luxes, comme un ordinateur portable ou des vêtements griffés. Des choses que je ne m'offre même pas!

Les désirs des jeunes sont souvent illimités. Aussitôt que l'un est comblé, un autre apparaît. Donc, si on cède à toutes les demandes de notre fille, on s'engage dans une spirale sans fin. «On a la responsabilité de répondre aux besoins de notre enfant, pas à tous ses désirs», soutient Stéphanie Paquin, conseillère budgétaire à l'ACEF de l'est de Montréal. Le mieux, c'est de lui dire que si elle tient vraiment à ce sac à main ou à ce téléphone intelligent, elle devra économiser pour se le procurer. Il y a fort à parier qu'elle réalisera qu'elle ne peut pas tout avoir, qu'elle doit faire des choix.

On a les moyens de lui acheter tout ce qu'elle désire? On lui demande tout de même de contribuer à certains achats. Par exemple, elle peut payer la différence entre le montant qu'on juge raisonnable pour un jean et le prix de celui qu'elle convoite. Ainsi, on la responsabilise quant à l'argent et on la prépare à la vraie vie. Bref, on lui rend service. Par ailleurs, dès que notre jeune a un emploi, il devrait assumer certaines de ses dépenses personnelles. Selon une étude de Marie Lachance, les adolescents réfléchissent davantage avant de dépenser l'argent qu'ils ont gagné que celui qui leur a été donné. Exiger une contribution financière peut donc inciter notre jeune à faire des achats plus avisés.

Mon ex couvre notre fils d'argent et de cadeaux coûteux. Ca me dérange beaucoup.

On peut toujours tenter de le convaincre de changer, mais le succès n'est pas garanti. Ce sur quoi on a du contrôle, par contre, c'est sur notre propre réaction. «Si notre malaise vient du fait que nos valeurs en matière de consommation sont différentes, on les assume, souligne la psychologue Brigitte Hénault. On reste soi-même, on vit selon nos choix et on respecte ceux du père de notre enfant.» Surtout, on résiste à l'envie de le juger ou de le dénigrer, car on forcerait ainsi notre fils à prendre parti.

Le problème, c'est plutôt qu'on aimerait bien le gâter aussi, mais que notre budget est trop serré? Là encore, on s'efforce d'accepter. Essayer d'imiter notre ex ne ferait que détériorer notre situation financière. On met plutôt l'accent sur les rituels et les petits plaisirs qu'on vit avec notre fils. «On n'a pas à se sentir coupable, insiste la psychologue. Si on est sereine par rapport à la situation, notre enfant le sera aussi. D'ailleurs, les enfants comprennent que les règles de vie et les façons de faire diffèrent d'une maison à l'autre.»

Mon fils de 22 ans, qui vit à la maison, travaille à temps plein. Mais il me demande constamment de le dépanner en lui donnant un 20$ par-ci, un 30$ par-là.

C'est difficile à admettre, mais on est peut-être en partie responsable de cette situation. «L'a-t-on élevé dans la ouate en comblant tous ses désirs? interroge Brigitte Hénault. Si on ne l'a jamais responsabilisé en matière d'argent, pas étonnant qu'il compte encore sur notre portefeuille!» Reste maintenant à corriger le tir. Et pour cela, il n'y a pas 36 solutions: il faut poser nos limites. D'abord, on dit à notre fils qu'on est inquiète de constater qu'il vit au-dessus de ses moyens. Puis, on suscite la réflexion avec des questions. «Sais-tu où passe ton argent? As-tu des solutions pour ne plus en manquer constamment?» Et surtout, on lui propose de l'aider à faire un budget (ou on le dirige vers une association coopérative d'économie familiale). Évidemment, on lui dit qu'on n'a plus l'intention de le renflouer. Le plus difficile sera de tenir notre bout, mais on se répète qu'on contribue ainsi à développer son autonomie financière.

Notre fille adulte nous demande exceptionnellement une aide financière? On détermine d'abord si on en a les moyens. On s'interroge ensuite sur la pertinence de son projet et sur son sens des responsabilités. «Malgré l'amour qu'on lui porte, on s'efforce de rester lucide», conseille Brigitte Hénault. Utilisera-t-elle cet argent à bon escient? Notre prêt ou notre don l'aidera-t-il réellement à régler son problème ou nous demandera-t-elle de l'argent encore et encore? Même réflexion si notre fils souhaite qu'on l'endosse pour un prêt à la banque. A-t-on confiance en sa capacité de rembourser? Si on l'endosse et qu'il ne paie pas sa dette, on devra le faire à sa place. «Même s'il fait faillite, on sera toujours responsable de cette dette, avertit Myriam Chagnon. De plus, le fait de l'endosser peut réduire notre propre capacité d'emprunt.» C'est un pensez-y-bien.

Mon jeune veut être payé pour faire son lit, débarrasser la table, ranger!

«Les tâches routinières ne devraient pas se monnayer, croit Caroline Lauzon. Tout le monde doit en faire une partie. C'est ça, une famille.» Donc, pas question de céder au chantage de notre jeune. S'il insiste, on lui présente une facture pour les services qu'on lui rend. Le lavage de ses vêtements? Ce sera 5 $. Le reconduire chez son ami? Cinq autres dollars. Il refuse de payer? Il peut nous rembourser en passant l'aspirateur. Mine de rien, on en revient à l'entraide qui caractérise la famille. Cela dit, il est acceptable de rémunérer des corvées occasionnelles ou plus lourdes, comme ranger le garage ou laver les fenêtres, ainsi que celles pour lesquelles on paie quelqu'un d'autre: tondre la pelouse, par exemple. «Pour qu'un jeune apprenne à gérer de l'argent, il doit avoir des occasions d'en gagner», signale la psychoéducatrice. Dans ce cas, deux règles d'or: on paie uniquement quand le travail est terminé et on paie rubis sur l'ongle. On apprend ainsi à notre jeune à respecter sa part de contrat... et on lui donne l'exemple.

Quoi répondre à un enfant qui veut connaître notre salaire?

On lui demande pourquoi. S'il a moins de 10 ans, c'est probablement parce qu'il a peur de manquer d'argent. «Il peut avoir entendu certaines choses dans la cour d'école qui ont suscité de l'insécurité, explique Caroline Lauzon. Il suffit de le rassurer sans lui dévoiler notre salaire, car il est trop jeune pour en saisir la réelle valeur. Qu'on gagne 30 000 $ ou 100 000 $, il nous croira riche!» Notre réponse sera différente avec un enfant plus âgé. S'il nous questionne sur notre salaire parce qu'il explore les possibilités de carrière, on le lui dit ou, si ça nous met mal à l'aise, on fournit un ordre de grandeur. On souligne cependant que cette information est privée et qu'il doit la garder pour lui. Marie Lachance, pour sa part, suggère d'en profiter pour lui donner une idée du montant de nos dépenses mensuelles. «Plusieurs ados ignorent tout du coût de la vie. C'est important de les en informer.»

Questions de valeurs

Quand commencer à parler d'argent à mon enfant? Vers 3 ou 4 ans, alors qu'il éprouve ses premiers désirs matériels, selon Stéphanie Paquin. «On fait le lien entre les biens, l'argent et le travail: "Il faut des sous pour acheter des bonbons, et pour avoir des sous, maman doit travailler."» Dès 5 ans, on lui fait manipuler des pièces de monnaie et des billets et on lui montre à les différencier. Et on lui explique que les guichets automatiques ne donnent pas de l'argent comme par magie!

Mon enfant a un compte de banque bien garni. Est-ce correct de lui emprunter de l'argent? «De manière générale, c'est non, répond Marie Lachance. Cet argent lui appartient et ce n'est pas à l'enfant de subvenir aux besoins des parents. Si on lui emprunte de l'argent, c'est en dernier recours seulement et pour un imprévu majeur. Ça ne doit jamais devenir une habitude. Et il faut le rembourser le plus tôt possible.»

Est-ce une bonne idée de demander une pension à mon jeune qui a terminé ses études et qui travaille? Brigitte Hénault croit que oui, même si cette formule est moins populaire de nos jours. «La pension développe l'autonomie, le sens des responsabilités, la capacité à gérer de l'argent, des valeurs que les parents se doivent d'inculquer. Elle prépare aussi à la vraie vie.» Sans compter qu'elle donne envie au jeune adulte... de voler de ses propres ailes.

Pour aller plus loin

  • Comment parler d'argent avec mon enfant, par Gail Vaz-Oxlade, Transcontinental, 2003, 252 p., 24,95$.
  • L'argent, ça compte!, par Sean Callery, Scholastic, 2011, 48 p., 11,99$ (pour les 5-9 ans).
  • Les guides financiers du Bureau du surintendant des faillites Canada pour les enfants de 5 à 15 ans; bsf.ic.gc.ca
  • Pour initier les 6-12 ans aux rudiments de la gestion des finances personnelles: L'Aventure de l'épargne, de la Banque Nationale; jecomprends.ca/ekominiville.
  • Deux sites pour les ados: votreargent.cba.ca et tesaffaires.com.

 

 

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