Grossesse

Deuil périnatal: entrevue avec l'auteure Josée Bournival

Entrevue avec l'auteure Josée Bournival

Entrevue avec l'auteure Josée Bournival Photographe : Éric Myre Auteur : Julia Horia

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Deuil périnatal: entrevue avec l'auteure Josée Bournival

Dans le troisième tome de sa série Bébé boum, Josée Bournival aborde notamment le thème du deuil périnatal. Un sujet qui l’a touchée personnellement puisqu’elle a vécu une fausse couche.

Enceinte de son quatrième enfant, prévu pour la fin du mois d'octobre, l'auteure et animatrice Josée Bournival interrompt la correction du quatrième tome de son roman Bébé boum pour notre entretien téléphonique.

Bébé boum, qui est à l'origine un projet de série télévisée, a toujours été pensé comme une trilogie sur la maternité. En cours de route, une autre thématique s'est greffée au projet de Josée Bournival: la finalité de la famille. Il allait donc y avoir une quatrième partie. Et, alors qu'elle termine ce quatrième tome, elle s'apprête justement à mettre au monde son quatrième et dernier enfant. Mais si l'auteure affirme que sa famille est bel et bien «terminée», elle n'exclut pas totalement de reprendre les aventures de Lili, d'Esther, de Frédérique et de Jeannine dans une dizaine d'années, ce qui pourrait être l'occasion d'explorer le thème de l'adolescence.

En attendant, l'univers de Bébé boum, c'est celui de la maternité et de la petite enfance. Dans le troisième tome qui vient de sortir en librairie, on traite de conciliation travail-famille, de monoparentalité, de garde partagée et de la place du couple quand on a des enfants.

Dans cet opus, l'auteure aborde aussi un sujet qu'elle considère encore tabou, celui de la fausse couche et du deuil périnatal. Une thématique qui la touche directement, puisque sa troisième grossesse s'est soldée par une fausse couche.

L'un de vos personnages vit une fausse couche dans ce troisième tome. Est-ce que ç'a été difficile de vous replonger dans cet épisode douloureux de votre vie pour le raconter en détail?
Je mentirais si je disais que ç'a été une partie de plaisir. Je ne peux pas dire non plus que ç'a été thérapeutique d'en parler dans le roman, car j'avais déjà partagé cette expérience sur mon blogue, au moment même où je l'ai vécue.

Par contre, cela m'a obligée à retourner à des endroits où je n'avais pas forcément envie d'aller. Malgré tout, je tenais à détailler le récit de cette fausse couche car, pour la majorité des femmes, c'est un événement dramatique qui laisse des traces. Il y a énormément de souvenirs qui accompagnent la douleur: la température qu'il faisait ce jour-là, ce que l'on a mangé, le visage de la personne qui nous a accueillie à l'hôpital... comme si l'on s'accrochait à ces détails pour se détacher de la douleur.

Je tenais vraiment à expliquer ce que c'est et à quel point ç'a un impact sur les mois, parfois même les années à venir.

La fausse couche reste donc en filigrane tout au long du roman?
En effet. L'événement en tant que tel, c'est quelque chose, mais je souhaitais aussi traiter de ses répercussions. Quand on retombe enceinte, on a cette peur vissée au ventre de revivre l'événement, on surveille si l'on perd du sang, des gens nous le rappellent. Dans mon cas, c'est ma fille; dans le livre, ce sont les enfants d'Esther. Ce n'est pas méchant, mais ça peut être cruel. C'est difficile de tourner la page.

Le conjoint aussi ne vit pas nécessairement la fausse couche de la même manière. Souvent, les hommes tourneront la page plus rapidement. Et puis, si l'on veut encore un bébé, il faut retourner vers l'intimité, reprendre des relations sexuelles mais, quand on vit un deuil, on éprouve davantage de pulsions de mort que de pulsions de vie; la sexualité n'est donc pas quelque chose d'attirant et pourtant, si l'on veut un bébé, il faut bien recommencer à faire l'amour.

Une fausse couche survient la plupart du temps lors du premier trimestre de grossesse. Une fois cette étape passée, en est-on encore affectée?
Oui, parce que, avec la fausse couche, une certaine naïveté nous quitte. On ne tient plus rien pour acquis. On sait que la vie est fragile, qu'il peut arriver mille et une choses: malformations, accidents... Tant que l'on n'a pas son bébé dans les bras, tant qu'on ne le voit pas respirer, on a toujours en tête que ce n'est peut-être pas gagné. C'est terrible parce que ça devrait être un grand bonheur de tomber enceinte de nouveau.

À lire aussi: Fausse couche: un deuil nécessaire

Après votre fausse couche, vous avez eu votre troisième fille, Blanche, un bébé en santé. Avez-vous mieux vécu cette grossesse-ci?
Non, j'ai eu aussi peur. Notamment parce que, en début de grossesse, j'avais des symptômes similaires à ceux que j'avais vécus durant ma grossesse qui s'est terminée en fausse couche: j'avais des nausées, mais je ne vomissais pas comme lorsque je portais mes trois filles. Au lieu d'associer ça au possible sexe du bébé - nous attendons un garçon -, j'ai fait le lien avec la fausse couche. D'ailleurs, pour la première fois, mon conjoint et moi avons attendu la première échographie pour annoncer la nouvelle à notre famille.

Avez-vous des conseils à prodiguer aux femmes qui ont vécu une fausse couche?
Il faut informer notre entourage de ce que l'on vit à ce moment-là. Les gens veulent nous aider à passer à autre chose mais, souvent, ils banalisent l'événement, avec des phrases du genre: «T'as le temps de te reprendre, tu tombes enceinte facilement...».

La fausse couche est mal comprise. Il faut leur expliquer que c'est un vrai deuil, que, au-delà d'un fœtus de 12 semaines, c'est un bébé que j'ai perdu. Ce sont tous les rêves associés à ce bébé-là qui s'écroulent. J'ai le droit de vivre mon chagrin, et ça me fait du bien d'en parler. La pire chose à faire est d'ignorer l'événement. La plus belle phrase à entendre serait: «Je ne sais pas quoi dire», car on sait au moins que la personne est sincère.

Avez-vous consulté un psychologue pour vous aider à faire votre deuil?
Non, mais c'est en fait par l'intermédiaire des internautes de mon blogue que j'ai fait une thérapie. En annonçant ma fausse couche, j'ai reçu plein de témoignages de personnes ayant aussi vécu cette épreuve.

Par l'entremise de mon travail, j'ai aussi beaucoup écrit d'articles sur le sujet qui m'ont aidée à comprendre ce que c'était et à valider que ce que je ressentais était normal. Ç'a été suffisant pour moi, mais je recommanderais à celles qui en ressentent le besoin de ne pas hésiter à chercher de l'aide auprès d'un professionnel; je pense que ça peut faire une différence.

Une grossesse sur cinq se termine par une fausse couche; c'est beaucoup. Faut-il aussi voir auprès de notre entourage si des femmes de notre famille ou des amies ont vécu la même chose?
En effet, ça reste tabou et, souvent, on ne sait pas qui dans notre entourage a fait une fausse couche. Quand j'ai annoncé la mienne publiquement, des gens de ma propre famille m'ont écrit pour me dire: «J'en ai aussi vécu une, mais je n'en ai jamais parlé.» Il faut donc parfois être la première à s'ouvrir.

 

Bébé boum 3, par Josée Bournival, Hurtubise, 2015, 512 p., 27,95$

 

 

 

 

 

 
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