Grossesse

Échographie obstétricale: les échos du couple

Échographie obstétricale: les échos du couple

iStockphoto.com Photographe : iStockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

Grossesse

Échographie obstétricale: les échos du couple

Lors d’une échographie obstétricale, la radiologue qui parcourt le ventre de la future maman a aussi l’œil sur le couple. Et si on écoutait son cœur?

Après 32 ans dans la peau d'une professionnelle de la santé, j'ai été davantage étonnée par la nature humaine que par la technologie nouvelle, pourtant de plus en plus performante. Oui, c'est plutôt la nature humaine qui m'a étonnée.

Avec ce qu'elle a de déconcertant, mais aussi d' attachant.

Je côtoie des couples en attente d'un enfant; courts instants privés et privilégiés que je partage avec ces futurs parents. Pendant toutes ces années, ces moments m'ont révélé des facettes de la nature humaine qu'on ne croirait trouver qu'au cinéma ou au théâtre. À quelques différences près: l'entrée est gratuite et les scénarios, heureusement ou malheureusement, se répètent.

Classification des espèces: les couples

«On ne nait pas parent, on le devient»

Chaque fois qu'entre un couple dans ma salle d'examen, je sais que le spectacle humain va commencer: en 15 minutes, sans rappel ni applaudissement, j'aurai un nouveau spécimen à classer dans ma petite collection personnelle. Croyez-moi, il n'y a aucun jugement là-dedans, simplement une façon de mieux construire mon acte professionnel dans le trop court passage d'information entre l'échographiste et les parents en devenir.

Mon système de repérage maison compte neuf grandes familles de couples, et je vous jure que l'immense majorité des humains qui ont défilé dans ma salle trouvent leur place dans l'une ou l'autre de ces «familles».

Les couples «fusion»

Il y a le couple «fusion» qui ne se quitte pas des yeux, qui se prend les mains, qui répond en choeur à toutes les questions comme si la maternité était partagée. Le «nous» est partout, ce qui me met un peu mal à l'aise, ne sachant plus, entre la mère et le père, laquelle est enceinte et lequel est géniteur. À les voir aller, il est facile de croire que les contractions seront partagées et que les deux accoucheront d'un beau bébé.

Les couples «timides»

Il y a le couple «timide, coincé» qui a du mal à s'exprimer. Découvrir l'abdomen de la maman pour y déposer ma sonde échographique relève du défi: la pudeur et la gêne sont palpables. Leur regard, quoique admiratif, devient fuyant quand on évoque la date et l'heure où ils se sont oubliés dans l'accouplement et la reproduction. Ils n'ont pas tellement envie de partager ce souvenir personnel avec une étrangère en blouse blanche.

Les couples «BCBG»

Il y a le couple «BCBG», lui en Armani de la tête aux pieds, elle habillée «toute serrée», dernière vogue, bedaine moulée à ne plus pouvoir respirer, vous disant qu'elle n'a pas engraissé, elle, que c'est seulement le bébé qui a profité. Elle porte le petit soulier agencé à la petite fleur du petit, petit chandail. Tout est parfait, repassé, guindé. Elle réussit à s'étendre sur la table d'examen sans qu'un cheveu ne se déplace, sans faire un seul pli. Le petit diable que je suis peine à réprimer un fou rire, en imaginant bébé régurgitant sur la belle épaule Chanel de maman.

Les couples «sursis»

Il y a le couple «ensemble aujourd'hui mais séparé avant que bébé ait des dents» qui annonce bien sa couleur. Le couple n'arrive jamais ensemble dans la salle d'examen; le géniteur traîne des pieds, s'assoit loin de sa dulcinée et ouvre même son journal comme si cette progéniture qu'on lui montre à l'écran ne lui appartenait pas. Malgré les soupirs de la mère attendrie, malgré ses «as-tu vu comme il est mignon», lui indifférent, est surtout préoccupé par la performance des Canadiens, la veille. Il peut même pousser l'affront jusqu'à dévisager de la tête aux pieds la professionnelle féminine que je suis, comme si déjà le divorce était prononcé.

Les couples «fille»

Il y a le couple, malheureusement très familier, que «l'annonce de la naissance d'une fille» jette dans le désarroi, la femme pour le mari, le mari pour lui-même. Lignée finie! Leur nom est gaspillé. L'annonce d'une maladie mortelle ne leur ferait pas moins de peine. Lui me regarde, incrédule, cherchant la faille dans la technologie, l'obstruction dans mon oeil exercé. Il me supplie de rectifier, de reconnaître que c'est une erreur, un malentendu. Situation qui met, je l'avoue, mon flegme professionnel à rude épreuve.

Les couples «branchés»

Il y a le couple «branché» qui connaît tout, qui sait tout, et qui tient son doctorat en médecine de l'Université Google. Ils vous interrogent sur vos capacités, vous demandent si telle structure anatomique a été étudiée. Ils vous posent des questions, en connaissent les réponses, guettant le faux pas pour vous coincer. C'est un jeu, je le sais, il ne faut pas m'en faire.  

Les couples «Germaine»

Il y a le couple «Germaine et son mari». À la botte, le mari! Lui, il marche derrière elle, croulant sous le poids des manteaux, habitué à se faire «déménager». Dans la salle d'examen, elle lui dit où déposer les manteaux, où s'asseoir, lui ferme le clapet s'il s'avise de faire une malheureuse petite blague, et prend complètement le dialogue en charge. Après 15 minutes, vous vous demandez comment ils ont pu se trouver compatibles pour la reproduction. Peut-être que Germaine a été visitée par le Saint- Esprit.

Les couples «Le»

Il y a aussi le couple où la future maman vit sa grossesse comme «une martyre au bûcher». Chaque mouvement lui tire un grognement. Tout est si pénible et difficile que je me demande si elle survivra aux contractions. Mais je sais très bien qu'elle survivra aux contractions! C'est elle qui en doute...

Les raisons de continuer

Enfin, heureusement, il y a «le couple», paire d'humains merveilleusement assortis, qui apporte dans ma salle comme un souffle divin. C'est ce couple qui me donne foi en l'humanité et qui me pousse à poursuivre ce travail depuis 32 ans. Ils font des enfants parce qu'ils s'aiment tout simplement. Leurs regards sont empreints de respect et d'admiration réciproques. Leurs mots ne transportent que tendresse et complicité. Leurs gestes sont ceux qui me font croire que ça vaut la peine de continuer.

À vous deux, merci mille fois d'exister, et que votre conte de fée dure pour l'éternité.

  

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