0-5 ans

Choisir de ne pas allaiter

Choisir de ne pas allaiter

iStockphoto.com Photographe : iStockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

0-5 ans

Choisir de ne pas allaiter

Allaiter, c’est faire le meilleur choix nutritionnel pour son bébé, disent les études. Mais si la mère ne peut pas ou ne veut pas allaiter? Est-elle vraiment libre de choisir le biberon ou favorise-t-on l’allaitement à tout prix?

Pour ce couple de grands-parents envoyé en mission à la pharmacie pour rapporter des biberons et une préparation commerciale pour nourrissons à leur fille, poser la question c'est y répondre. «Notre fille voulait essayer l'allaitement, mais ça ne fonctionne pas. Comme l'hôpital ne fournit rien et qu'on ne lui a donné aucun conseil, elle se fie sur nous pour lui rapporter le nécessaire», raconte la grand-mère, stupéfaite du traitement qu'on réserve aux mères qui n'allaitent pas.

Bien que la plupart des hôpitaux fournissent les préparations pour nourrissons, force est d'admettre que depuis que l'UNICEF et l'Organisation mondiale de la santé ont lancé, en 1991, l'initiative «Amis des bébés», une certification donnée aux hôpitaux qui adoptent certains principes visant à encourager et soutenir l'allaitement, le biberon et l'allaitement mixte ne sont plus des options encouragées. Et pour cause! Pour obtenir cette certification, les hôpitaux doivent, entre autres, enregistrer un taux d'allaitement exclusif, de la naissance à la sortie, égal ou supérieur à 75 %.

Les mères encouragées à allaiter
Mère d'un garçon de quatre ans, Karine a bien senti cette pression sociale pour l'allaitement lors de sa grossesse. «J'ai tenté de me convaincre d'allaiter pendant neuf mois. J'aurais tellement aimé avoir le goût d'allaiter. Mais après l'accouchement, lorsque l'infirmière m'a mis le bébé au sein, j'ai eu très mal et j'ai pleuré. On me disait que c'était normal, mais je n'avais pas envie d'allaiter et je ne savais plus quoi faire», raconte celle qui dit avoir eu la chance de tomber sur une jeune infirmière qui l'a réconfortée, en lui chuchotant à l'oreille qu'elle «ne devrait pas lui dire ça, mais qu'elle pouvait lui apporter un biberon».

Est-ce à dire que les professionnelles de la santé n'ont plus le droit de présenter d'alternatives à l'allaitement maternel? «Mon rôle d'infirmière est de supporter la famille dans le projet de santé qu'elle se donne», soutient Chantal Lemay, infirmière-chef des unités mère-enfant à l'Hôpital Sainte-Justine. «Si une mère hésite à allaiter ou qu'elle se questionne, je me dois de faire la promotion de la meilleure option. Qu'il s'agisse d'exercice physique, de saine alimentation ou d'allaitement, les infirmières ont pour rôle de promouvoir la santé.»

Et si une mère indique qu'elle ne désire pas allaiter? «Je m'assurer que le personnel mette tout en œuvre pour la soutenir et lui permettre de bien vivre son expérience, comme nous le faisons pour l'allaitement», assure l'infirmière, qui dit référer les mères au «Mieux vivre avec son enfant de la grossesse à deux ans», le guide remis gratuitement aux parents au début du suivi de grossesse.

Coupable de ne pas allaiter

Si le guide a bonifié sa section réservée aux préparations commerciales et ajouté un préambule sur la pression sociale ressentie par les parents sur la manière de nourrir leur enfant, il n'en demeure pas moins que plusieurs mères se sentent encore jugées et coupables de ne pas allaiter.

«Quand je vais à l'hôpital avec mon fils et que je lis sur la porte d'entrée «Bienvenue aux bébés allaités», je me questionne. Mon bébé est-il le bienvenu ici? Sera-t-il traité équitablement?», ironise Karine dont l'expérience avec l'infirmière responsable de son suivi post-partum s'est avérée décevante. «Elle cherchait à comprendre pourquoi je ne voulais pas allaiter et m'a demandé si c'était parce que j'avais été agressée sexuellement dans ma jeunesse», raconte-t-elle, insultée d'un tel lien de cause à effet.

Même Nestlé, fabricant de préparations pour nourrissons, dit sur son site Internet encourager l'allaitement maternel et émet un avertissement aux parents. Après avoir rappelé que le lait maternel est ce qu'il y a de mieux pour le bébé, on leur demande de consulter un professionnel de la santé avant d'introduire une préparation pour nourrisson ou tout autre aliment complémentaire. «Même les fabricants nous mettent en garde contre leurs produits», s'insurge Karine, qui se demande comment ne pas culpabiliser dans de telles conditions.

L'expérience de Mélissa, mère d'une fillette de cinq ans et d'un garçon de onze mois, est fort différente. La culpabilité associée au biberon, elle ne connait pas. «J'ai toujours su que je n'allaiterais pas et, même enceinte, l'envie d'allaiter ne m'est jamais venue. À mon deuxième bébé, je n'avais toujours pas le goût d'allaiter. J'étais certaine de mon choix, car c'était important pour moi de partager les boires avec mon conjoint et de me sentir libre.»

Mélissa affirme n'avoir jamais senti de pression pour allaiter et le personnel de l'hôpital l'a supportée dans sa décision. «Il faut dire que j'ai annoncé mes couleurs dès les cours prénataux. Je n'allaiterais pas, point. Après l'accouchement, on m'a poliment demandé si je voulais essayer. J'ai répondu que je n'étais pas intéressée et on ne m'en a plus jamais reparlé», dit-elle manifestement très à l'aise dans son choix.

Assumer son choix d'allaiter ou non

Si le projet de départ d'une mère était d'allaiter, l'infirmière ne lui dira jamais qu'elle manque de lait, que ça ne fonctionne pas ou qu'elle doit donner le biberon. Elle lui proposera plutôt des solutions pour que l'allaitement puisse se poursuivre. «Une infirmière m'a confié que l'allaitement ne va pas toujours bien, mais qu'elle n'a pas le droit de proposer le biberon si la mère ne le demande pas clairement», se souvient Mélissa.

Pour Mélissa, l'expérience «biberon» ne sera réussie que si la mère assume pleinement son choix. Elle ne s'en cache pas, c'est souvent à elle que revient le rôle de déculpabiliser ses amies qui ne veulent pas ou qui ne se sentent plus capable d'allaiter. «Je leur dis ce qu'elles ont besoin d'entendre. Qu'elles sont de bonnes mères, même si elles n'allaitent pas. Que mieux vaut donner un biberon avec tout son amour, qu'un sein avec des larmes, de l'impatience ou du dégoût.»

Quand on lui demande pourquoi elle ne s'est jamais sentie coupable, elle répond que son bien-être vient probablement du fait qu'elle n'a jamais eu le syndrome de la mère parfaite. «Celles qui l'ont et qui ne réussissent pas à allaiter voudront performer avec le biberon. Elles voudront faire les meilleurs choix de bouteilles, de lait maternisé et de tétines et ce sera terrible, parce que cette information n'existe pas!», conclut la jeune femme d'un air moqueur.

  

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