13 ans et plus

Notre ado est gay, comment réagir à cette annonce

Notre ado est gay, comment réagir à cette annonce

IStock Photographe : IStock Auteur : Coup de Pouce

13 ans et plus

Notre ado est gay, comment réagir à cette annonce

L’annonce de l’homosexualité de notre ado est presque toujours un choc. Pendant qu’on vit toutes sortes d’émotions, notre jeune, lui, a besoin de notre soutien.

Un soir de mai, le fils de 15 ans de Carole lui a suggéré de jeter un coup d'oeil sur sa page Facebook. Il y indiquait être en couple... avec un garçon. «Sur le coup, j'ai ri, raconte- t-elle. Je croyais à une blague, car je n'avais jamais pensé qu'il soit gay. Mais à voir son expression, j'ai compris que je me trompais. J'ai pensé: "Qu'est-ce qui lui a pris d'écrire ça sur Facebook? Il va se faire niaiser!" Je lui ai demandé s'il était certain de vouloir dire à tout le monde qu'il avait un chum. Il a répondu oui. Pour lui, c'était aussi naturel que d'avoir les yeux verts ou bruns.»

Il est généralement admis que les homosexuels et bisexuels comptent pour environ 10 % de la population. Selon diverses études, environ 4 % des ados se disent homosexuels, bisexuels ou incertains de leur orientation. Toutefois, «ceux qui finiront par se percevoir comme gays, lesbiennes ou bisexuels ne se perçoivent pas toujours ainsi pendant l'adolescence», écrit la Société canadienne de pédiatrie dans un document de principe sur l'orientation sexuelle. C'est que le processus menant à l'affirmation d'une identité homosexuelle ou bisexuelle prend du temps.

Mais à quel âge en moyenne les ados font-ils leur coming-out? Et le font-ils plus tôt qu'auparavant? Difficile à dire, car il n'y a pas de statistiques sur le sujet. Selon une intervenante de longue date de Gai Écoute, plusieurs dévoilent leur homosexualité entre 15 et 17 ans. «Mais certains le disent à leurs parents dès 12 ou 13 ans, alors que d'autres attendent la vingtaine et d'autres encore ne le disent jamais, indique-t-elle. Chacun a son cheminement et il est impossible de généraliser.» Elle observe toutefois une évolution vers une sortie du placard plus hâtive. Même constatation chez Robert Pilon, président de Gris-Montréal, un organisme qui donne des ateliers de démystification de l'homosexualité dans les écoles. «Des jeunes profitent de notre présence pour faire leur coming-out auprès de leurs camarades de classe. Et on voit des couples de même sexe au bal des finissants de 5e secondaire.»

 

Ce que ça signifie pour notre ado

Quand les jeunes font leur coming-out, c'est d'abord pour se libérer d'un lourd secret. Ils souhaitent être eux-mêmes avec leur entourage. «Après l'avoir annoncé à mon père, j'ai senti la pression tomber, dit Jean-Michel, 23 ans, qui est sorti du placard à 18 ans. Enfin, j'avais fini de vivre dans le mensonge en lui cachant une partie importante de moi.» Mais son père n'était pas le premier à qui Jean-Michel faisait cette annonce. Une tante avait recueilli son secret auparavant. Comme lui, la plupart des jeunes homosexuels se révèlent d'abord à d'autres proches que leurs parents. Si notre jeune attend un peu avant de nous l'annoncer, c'est qu'il craint de nous décevoir, de nous attrister, de se faire juger ou de nous mettre en colère. «Tous les enfants du monde veulent être acceptés et aimés par leurs parents pour ce qu'ils sont, souligne Robert Pilon. Et ils voudraient tant que leur orientation sexuelle ne fasse aucune différence pour eux!»

Ce désir d'être accepté et aimé inconditionnellement est si fort que même ceux qui n'ont aucune raison de craindre la réaction de leurs parents hésitent à se dévoiler. Sébastien, par exemple, dont le père est lui aussi homosexuel. Malgré cela, il se sentait incapable de lui apprendre la nouvelle de vive voix. À 15 ans, il le lui a annoncé... par MSN! La réponse du papa? «Viens me voir!» Comme il était luimême passé par là quelques années auparavant, il comprenait les sentiments de son fils. Et il a accepté de garder son secret, car Sébastien ne se sentait pas prêt à le dire à sa mère. «Elle avait déjà vécu cette situation avec mon père, dit celui-ci. C'était comme si l'histoire se répétait. J'avais peur de la blesser.»

Ce n'est que tout récemment, à 19 ans, que l'étudiant en sciences de la nature s'est ouvert à sa mère. Celle-ci a été attristée non pas qu'il soit gay, mais qu'il le lui ait caché. Quant à Sébastien, il regrette d'avoir gardé le silence si longtemps. «J'ai mal dormi pendant des années, car j'anticipais une réaction négative de ma mère. Maintenant, je suis soulagé.»

Pour d'autres, malheureusement, ça ne se passe pas aussi bien. «Des familles qui jettent à la porte un enfant gay, ça existe toujours», affirme le président de Gris-Montréal. Yannick, 24 ans, ne l'a pas eu facile. Adolescent, il a caché son homosexualité, car son père avait l'habitude de tenir des propos homophobes. De plus, sa relation avec ses parents était mauvaise et il voulait éviter de l'envenimer. Jusqu'au jour où une intervenante sociale l'a forcé à faire son coming-out sous prétexte de réanimer la confiance entre ses parents et lui. Erreur. L'atmosphère à la maison est devenue irrespirable. «Mon père m'évitait. Il ne me parlait presque plus, sauf pour me reprocher mes supposées mauvaises fréquentations et dénigrer les gays. Ma mère, elle, était coincée entre mon père et moi, et n'intervenait pas.»

La situation est devenue si difficile que les services sociaux ont placé l'adolescent de 16 ans en famille d'accueil. Yannick, qui étudie aujourd'hui en médecine, n'a pas revu ses parents depuis. «Ça fait mal d'être rejeté par ceux qui sont censés t'aimer comme tu es. Je me sentais moins armé pour affronter la vie.» Heureusement, il a pu compter sur le soutien de ses grands-parents. «Ma grand-mère découpait des articles sur les vedettes homosexuelles et me les envoyait. Et elle me demande encore des nouvelles d'un de mes anciens chums qu'elle aimait beaucoup.»

La peur qu'il souffre

Certes, l'homosexualité d'un enfant est mieux acceptée par les parents qu'il y a 20 ou 30 ans, reflet de l'évolution de la société québécoise sur la question. On n'a qu'à penser au mariage entre conjoints du même sexe et à la présence dans notre univers médiatique de personnalités homosexuelles qui s'affichent ouvertement. Reste que, comme parent, ce n'est peut-être pas quelque chose qu'on avait envisagé. Et même quand on s'en doute un peu, on vit un choc quand ça arrive. On doit affronter nos préjugés. On peut être remuée dans nos valeurs. «On est ébranlée, déstabilisée par une réalité qu'on connaît peu et qu'on devra maintenant apprivoiser», décrit l'intervenante de Gai Écoute.

Pour Michelle, 54 ans, l'homosexualité d'un de ses enfants, même si elle s'en doutait, recelait son lot d'inquiétudes. «Être homosexuel, c'est un obstacle de plus à surmonter. J'avais l'impression que mon fils vivrait plus de souffrance. Certains de mes collègues tenaient des propos homophobes et pourtant, ils travaillaient dans une école primaire. Alors, je me disais que ce serait difficile pour mon fils. Et ce n'est pas ce que je voulais pour lui...»

Cette réaction est normale. Notre principal souhait, comme parent, c'est que notre enfant soit heureux. Or, quand on apprend qu'il est gay, on craint qu'il ne soit rejeté, discriminé, insulté, et donc malheureux. Des craintes fondées puisque 38,6 % des adolescents homosexuels ont vécu un incident homophobe à l'école secondaire, selon une étude de l'UQAM menée en 2009 dans 31 écoles du Québec. Comme Sarah qui, à 13 ans, a confié son homosexualité à des amies. La nouvelle a fait le tour de l'école.

«Je me faisais écoeurer et niaiser tous les jours. Pour que ça cesse, j'ai eu un chum. Mais à force de cacher ma vraie nature, j'étouffais. Ç'a été la pire année de ma vie.»

Devrait-on parler de nos craintes avec notre enfant? Peutêtre, mais avec délicatesse. On évite de lui dire qu'il vivra des difficultés de toutes sortes, comme si c'était inéluctable.

«S'il a encore du mal à s'accepter, nos inquiétudes et notre vision pessimiste de la situation s'ajouteront au poids qu'il a déjà sur ses épaules», affirme l'intervenante de Gai Écoute. En outre, nombre d'homosexuels sont épanouis et heureux. Pourquoi prédire le pire? Elle suggère plutôt de le questionner: «Fais-tu rire de toi à cause de ton orientation sexuelle? Es-tu mis à l'écart?» S'il ne l'a pas encore dit à l'école, on lui conseille de bien choisir les amis à qui il se confiera. Puis, on lui demande de nous en parler s'il vit de l'homophobie et enfin, on l'assure qu'on sera là pour l'aider à surmonter les difficultés, s'il y en a.

 

Une tempête d'émotions

Au-delà de la crainte que notre enfant ne souffre, il se peut qu'on vive mal la nouvelle de son homosexualité. Comme la mère de Filipe, un jeune homme de 18 ans venu au Québec pour étudier. Il avait 15 ans et habitait encore au Brésil quand il a fait son coming-out. «Ma mère m'a dit qu'elle m'aimerait toujours, mais qu'elle pensait que j'étais malade. Elle m'a demandé si je croyais que Dieu me guérirait. J'ai répondu: "Non. Je ne suis pas malade." J'ai ajouté: "Si j'avais eu le choix, je serais hétérosexuel, mais je suis né homosexuel." Nous avons beaucoup pleuré.» Elle lui a demandé de ne rien dire à ses grands-parents en plus de lui interdire d'inviter un petit ami à la maison. Elle avait honte. Elle s'inquiétait de ce que diraient la famille élargie, les voisins. Filipe s'est senti rejeté. «Je pensais qu'elle ne m'aimait pas vraiment.»

Au moment du coming-out de notre jeune, on peut aussi avoir le réflexe de se réfugier dans le déni. «Elle est bien trop jeune. Ça va lui passer...» Possible, certes, que notre fille se questionne encore sur son identité sexuelle. Mais de façon générale, selon les experts, les ados qui doutent gardent le silence. Si notre ado se confie à nous, c'est probablement qu'elle est certaine de son orientation. C'est le cas d'Aurélie, 22 ans,bisexuelle, qui est sortie du placard à 18 ans, après presque huit ans de questionnement. «Avant de le dire à mes parents, j'ai attendu d'avoir une blonde. Pour moi, c'était plus facile de leur dire: "Je suis en amour avec une femme" plutôt que: "Je suis bisexuelle".»

Souvent, on se demande ce qu'on aurait pu faire pour éviter l'homosexualité de notre enfant. Une culpabilité tout à fait inutile, car la réponse est claire: rien. Ce n'est pas parce qu'on a agi de telle ou telle façon avec notre fils qu'il sera gay. «Le fils qui devient gay parce que sa mère l'a couvé, c'est un mythe», tranche André Tardif, directeur général de Gris-Québec, le pendant de Gris-Montréal.
On ressent aussi parfois un sentiment de perte. On croit qu'on ne sera jamais grand-mère... On réalise que notre enfant deviendra un adulte différent de celui qu'on aurait souhaité... On pensait qu'elle nous présenterait bientôt un premier chum alors que ce sera une première blonde... «Le parent doit faire le deuil de l'avenir qu'il avait imaginé pour son enfant, soit un mode de vie hétérosexuel avec un conjoint de l'autre sexe et des enfants», souligne André Tardif. Mais des petits-enfants, il y en aura peut-être, car beaucoup de couples gays deviennent parents. «J'en veux, des enfants!» lance Aurélie, qui est en couple depuis quatre ans avec sa blonde.

 

Comment réagir

Peu importe les émotions qui nous envahissent, l'important est de soutenir notre ado dans sa démarche d'affirmation. Guylaine, mère d'une lesbienne de 21 ans, nous invite à reconnaître le courage de notre jeune à assumer sa différence. «Comme parent, on ne devrait pas ajouter à ses difficultés. Après tout, il ne fait rien de mal!»
Notre attitude a d'ailleurs un impact crucial sur sa santé psychologique, son estime de soi et sa capacité à se bâtir une carapace. Une étude de l'université Concordia, publiée l'an dernier, a révélé en effet que le soutien des parents joue un rôle de protection contre la dépression chez les homosexuels. Or, ceux-ci ont plus de risques de souffrir de graves problèmes de santé mentale que les jeunes hétérosexuels à cause du stress généré par l'homophobie ou par la crainte d'en subir. À preuve: au secondaire et au cégep, le taux de suicide est jusqu'à 14 fois plus élevé chez les élèves lesbiennes, gays ou bisexuels que chez leurs camarades hétérosexuels.

Alors, quelle attitude adopter lors du coming-out de notre jeune? Sylvie Giasson, conférencière et auteure de Vivre avec l'homosexualité de son enfant, conseille de l'écouter avec empathie sans le blâmer ni porter de jugement. Ensuite, on peut le questionner avec bienveillance et respect: «Depuis quand le sais-tu? Comment l'as-tu découvert? Te sens-tu bien avec la situation?» Et surtout, surtout, on lui dit qu'on l'aime et qu'on veut qu'il soit heureux.

C'est ce qu'ont fait Carole et son mari le soir où leur fils leur a appris qu'il aimait un garçon et qu'il était bisexuel. La famille, y compris le petit frère de 12 ans, a discuté longtemps autour de la table de cuisine. «Mon mari et moi étions étonnés, mais nous n'étions ni tristes ni fâchés, se rappelle Carole. Ce qui nous importait, c'était comment notre fils vivait la situation.» L'adolescent les a rassurés. Son cercle d'amis était solide et il était en paix avec lui-même. «Nous avons toujours eu une bonne communication avec notre fils et nous en avons encore eu la preuve ce jour-là. Sa franchise était une marque de confiance.»

Carole et son mari étaient sur la même longueur d'onde, mais ce n'est pas toujours le cas. D'après une étude canadienne menée en 2002, 38 % des jeunes gays et lesbiennes se sentent acceptés de façon inconditionnelle par leur mère, contre seulement 13 % par leur père. «Les mères sont plus nombreuses à nous appeler, confirme André Tardif, dont l'organisme, Gris-Québec, a mis sur pied un groupe d'entraide pour les parents. Elles veulent comprendre, s'informer. C'est un peu plus difficile pour les pères, mais il y a une amélioration.» Impossible, d'ailleurs, de généraliser. Ainsi, alors que la mère de Filipe a été choquée par son coming-out, son père, lui, l'a très bien pris. «Que tu aimes les garçons ou les filles, ça ne change rien pour moi», lui a-t-il répondu.

Cheminer en famille

Que faire si on accepte l'homosexualité de notre enfant, mais pas notre conjoint? Ou vice-versa?

Sylvie Giasson suggère d'exprimer à l'autre les émotions et les pensées qui nous habitent en parlant au «je»: «Je suis en état de choc et voici comment je me sens...» Ensuite, on tente de s'entendre sur la manière dont on va se comporter avec notre enfant en prenant des engagements en ce sens. Ainsi, on peut dire à notre homme qu'on comprend qu'il soit bouleversé et déçu, mais qu'on lui demande d'être respectueux dans les propos qu'il tiendra à notre fils. Pour nous aider à comprendre, on regarde ensemble un film traitant d'homosexualité ou on lit un livre sur le sujet, et on en discute. On peut aussi communiquer avec un organisme comme Gris-Québec ou Gai Écoute. Se renseigner aide à comprendre et à vaincre les préjugés.

Puis, «à mesure que de nouveaux chocs se produisent, comme la première rencontre avec le chum de notre fils ou la blonde de notre fille, on reprend le dialogue pour déterminer où on en est dans nos démarches d'acceptation respectives », dit Sylvie Giasson. Car il faut du temps pour se faire à l'idée que notre enfant est gay et, ensuite, pour l'accepter pleinement. La bonne nouvelle, c'est que la plupart des parents y parviennent. La mère de Filipe, par exemple, s'est engagée dans un groupe de parents de jeunes gays au Brésil. Celle de Yannick a repris contact par courriel. Après le choc initial, l'amour reprend le dessus...

«Simon est sensible et rempli de compassion, s'émeut Michelle, dont le fils a aujourd'hui 29 ans. S'il est ce qu'il est, c'est en partie parce qu'il est gay. Son orientation sexuelle fait partie de lui, de sa personnalité. Elle colore ses pensées, ses actions. Quand notre enfant fait son coming-out, on ne perd rien. Au contraire, on découvre une autre facette de lui. On le connaît dans toute son authenticité!»

 

À LIRE: Notre enfant est homosexuel: des ressources pour la famille

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