13 ans et plus

L'alcool et les ados: où mettre nos limites?

L'alcool et les ados: où mettre nos limites?

istockphoto.com Photographe : istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

13 ans et plus

L'alcool et les ados: où mettre nos limites?

La dernière journée de classe, l'anniversaire d'un ami, la nouvelle année... Les ados ont envie de célébrer. Et pas toujours avec modération! Comment parler d’alcool avec eux et mettre nos limites sans jouer les trouble-fêtes?

Marine, 42 ans, se souvient très bien de ce samedi soir. Son fils, qui avait 14 ans à l'époque, était allé regarder un match de hockey chez un ami. Bien installés dans le sous-sol, les deux compères avaient décidé de s'ouvrir une bière en écoutant le match, puis une autre, et encore une autre. «Lorsque les parents de l'ami sont revenus de leur souper, nos deux jeunes étaient pas mal éméchés. Mal à l'aise, le père m'a téléphoné et je suis allée chercher mon fils. Sur le chemin du retour, pendant que mon fils somnolait, je réfléchissais à la façon dont j'allais aborder la chose avec lui. Je le trouvais trop jeune pour boire. En même temps, je me disais qu'il ne voyait que ça, des gens qui boivent de la bière dans les publicités présentées durant le hockey! C'était normal qu'il veuille essayer. Je ne savais pas trop quelle était ma marge de manoeuvre.»

Se situer par rapport à l'alcool

L'alcool accompagnant la plupart de nos événements sociaux, il n'est pas étonnant qu'il fasse partie des rites de passage auxquels veulent se soumettre les adolescents. Cette initiation, qui semble passer invariablement par quelques ou moult «brosses», n'est pas sans causer des maux de tête... aux parents! On a beau avoir levé le coude durant notre adolescence, on est inquiète quand il s'agit de notre progéniture.

Avec raison! L'alcool augmente les risques d'avoir des relations sexuelles non protégées, rend plus agressif et altère les perceptions. Il agit aussi comme un dépresseur et rend plus vulnérable aux agressions, notamment au viol. Sur les routes, il cause encore trop de ravages, particulièrement chez les jeunes. Selon la Société de l'assurance automobile du Québec, entre 2001 et 2005, 43% des conducteurs âgés entre 16 et 24 ans ayant perdu la vie sur la route avaient de l'alcool dans le sang. Consommé souvent et en trop grande quantité, il nuit même à la maturation des fonctions cérébrales.

«Au secondaire, les jeunes ont une consommation très épisodique», explique Hubert Sacy, directeur général d'Éduc'Alcool. Le problème, ce n'est pas tant qu'ils boivent trop au total, c'est qu'ils boivent trop par occasion. S'ils prennent 10 verres par semaine, il y a de fortes chances que ce soit 10 verres le même soir. Ils le font essentiellement pour faire partie de la gang.» Mais nul besoin de leur tordre le bras pour qu'ils suivent les autres...

Tout en voulant vivre de nouvelles expériences, les adolescents ont un grand besoin de s'affranchir de l'autorité parentale et de s'affirmer. Et c'est là tout le dilemme des parents: comment les mettre en garde contre les risques associés à l'alcool alors qu'on a l'impression que notre avis là-dessus les intéresse peu? Surtout quand on se fait dire que tous les autres parents sont plus cool que nous!

Ce type de réflexion, Geneviève Dessureault, coordonnatrice de l'organisme Action toxicomanie Bois-Francs, l'a entendu maintes fois. Dans son bureau de Victoriaville, elle a rassuré bon nombre de parents qui craignaient de ne pas savoir comment s'y prendre. «Il n'y a pas de voie unique; plusieurs approches peuvent être bonnes. Même si on dit que l'alcool est largement accepté dans notre culture, il est vu de manière bien différente selon les familles. Certains parents pensent qu'il est mieux d'initier les jeunes en famille, sinon, ils boiront en cachette. D'autres interdisent toute consommation avant un certain âge. Ce qui est important, c'est de respecter nos valeurs et d'établir clairement nos limites face à la consommation de nos jeunes. Ce n'est pas facile parce que nos ados sont bons pour nous dire qu'on est dépassée, que tout le monde fait ceci ou cela. Mais il faut se faire confiance et suivre ce qui nous semble l'attitude la plus appropriée.»

«Souvent, les parents qui nous appellent ne se sont jamais demandé comment eux se positionnent face à la consommation d'alcool. Que pensent-ils de l'alcool et quel est leur propre comportement? N'oublions pas que les parents sont un modèle pour les enfants», explique Kathia Noiseux, intervenante à Tel Jeunes et à la Ligne Parents.

À quel âge doit-on parler d'alcool avec notre enfant? L'intérêt et le développement sont de bons indicateurs. «Dès 6 ou 7 ans, les enfants posent des questions sur les boissons réservées aux adultes. Si la curiosité est là, pourquoi ne pas en profiter?» conseille Sylvia Kairouz, professeure adjointe au département de sociologie de l'Université Concordia et chercheuse du Centre Dollard-Cormier - Institut universitaire sur les dépendances. Rappelons aussi qu'au Québec, en moyenne, on goûte à l'alcool pour la première fois vers 12 ou 13 ans.

Entre en discuter et passer à l'action, il y a un pas que les parents ne devraient pas franchir. Une bonne idée, l'accompagner dans sa première «brosse»? «Non, cela lui appartient! C'est une expérience qu'il doit vivre avec ses amis. Un parent n'est pas un ami. Nous, on doit lui fournir un cadre et l'assurance qu'on sera là pour l'aider s'il lui arrivait quelque chose», avise Geneviève Dessureault. Néanmoins, en lui permettant de boire un verre de vin au repas en notre compagnie, on lui donne un exemple de consommation modérée.

Fixer nos limites

«J'ai réalisé que j'avais tenu pour acquis que mon fils savait ce que je voulais dire par "boire socialement". Depuis sa "brosse", mes interventions auprès de lui sont devenues plus concrètes. Je nomme les choses, je précise ma pensée», poursuit Marine.

Établir des limites précises donne un point de repère à notre ado et l'aide à faire la part entre ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. Cela implique de définir explicitement les comportements qui sont souhaitables, ceux qui sont tolérés et ceux qui sont inadmissibles, peu importe les circonstances. L'âge, le groupe d'amis et la personnalité du jeune sont évidemment des aspects à prendre en compte. «Je n'agis pas de la même façon avec mes fils, car ils n'ont pas la même personnalité», explique Mireille, 40 ans, mère de trois ados de 15 et de 13 ans (des jumeaux).Je fais davantage confiance à mon aîné, qui est plus mature. Je ne suis pas inquiète quand il va à un party. Ce n'est pas le cas avec un des jumeaux, qui est plus expérimentateur, plus téméraire. Je dois l'encadrer davantage.»

Établir des limites concrètes nous donne aussi l'occasion d'anticiper certaines situations. Par exemple, est-ce qu'on accepte qu'un autre adulte offre un verre à notre ado dans une fête de famille? qu'il fréquente un ami dont la consommation des parents est importante? Est-ce qu'on passe sous silence le fait qu'il ait fait main basse sur quelques-unes de nos bouteilles de bière avant une fête? Est-on à l'aise de négocier l'heure de rentrée ou de lui acheter un six pack s'il nous le demande? On a plus d'assurance et de contrôle lorsqu'on a réfléchi à ce type de questions avant qu'elles se posent.

«Je savais que mon fils buvait dans les partys, mais jamais je n'aurais été prête à lui acheter moi-même ses coolers, confie Isabelle, 47 ans, mère d'un grand de 19 ans. Il a pu goûter à l'alcool à la maison, du vin et de la bière, mais de là à lui en procurer, c'était autre chose. Je lui ai expliqué que c'était me demander de poser un geste illégal puisqu'il n'avait pas encore 18 ans. S'il était prêt à boire avant, ça lui appartenait. Mais je ne lui ai pas interdit de boire, cela n'aurait servi à rien. On peut mettre un cadre, mais pas des interdits.»

Selon les experts consultés, une trop grande permissivité tout comme une trop grande rigidité donnent souvent de piètres résultats. «Il faut être réaliste. À 17 ans, 90% des jeunes sont des consommateurs à différents degrés. Penser qu'ils n'y toucheront pas est un peu utopique. Il vaut mieux chercher un terrain d'entente avec notre jeune», suggère Sylvia Kairouz.

Un truc pour mettre tout le monde au diapason: le conseil de famille. «L'avantage, c'est que les ados sentent qu'ils ont leur mot à dire, explique Geneviève Dessureault. On s'entend sur des règles. "Boire dans les partys? D'accord, mais tu ne cales pas, tu ne conduis pas et tu peux m'appeler à toute heure en cas de besoin. "On s'entend ensuite sur les conséquences si l'entente n'est pas respectée: la vaisselle pendant une semaine, pas de sorties pendant un certain temps, etc. Comme ces conséquences sont décidées avec le jeune, c'est plus difficile de ne pas les suivre, car il s'est engagé.»

Et si on est dans une famille reconstituée? C'est son enfant, il s'arrange avec? «Non, absolument pas! Éduquer à l'alcool, c'est une affaire de famille et d'équipe. On doit tous être d'accord», insiste Geneviève Dessureault.

Parler à coeur ouvert

Les meilleures discussions sont celles où on jase avec notre ado. Un film, une nouvelle à la télé qui nous interpelle, un moment privilégié, une activité: il s'agit de trouver des occasions pour échanger de façon spontanée, en faisant preuve d'ouverture d'esprit. «C'est aussi une bonne idée d'avoir des discussions où on aide notre ado à mieux gérer les risques, propose Kathia Noiseux. Par exemple, prévoir avant le party qui sera le chauffeur désigné, trouver des trucs pour boire plus lentement ou éviter de céder à la pression de participer à un concours de calage. Le message passe mieux parce qu'on n'est pas en train de faire la morale.»

Isabelle affirme que de courtes discussions qui lui permettaient à la fois d'entendre ce que son jeune avait à dire sur le sujet et de passer de l'information lui ont évité bien des soucis. Elle a ainsi aidé son fils à traverser sa période d'expérimentation. «Que ce soit trois bières ou six, pour connaître leur limite de consommation, les ados doivent éventuellement la franchir, dit-elle. Lorsque mon fils avait de la difficulté à trouver sa limite, on en a parlé très calmement. Qu'est-ce qu'il avait bu? Avait-il bu plus rapidement que d'habitude? Est-ce qu'il était plus fatigué? Etc. Cela lui donnait des clés pour évaluer la situation la fois suivante.»

Par ailleurs, lorsqu'on pose des questions, il faut être prête à entendre les réponses. «J'ai déjà dit à mon ado, qui me parlait de sa dernière brosse: "S'il te plaît, donne-moi une minute parce que je veux continuer à t'écouter, mais là, je viens de recevoir quelque chose qui m'ébranle un peu!" raconte Isabelle. J'ai pris une grande respiration et je lui ai dit de continuer. Il était content de voir que je privilégiais notre lien, même si je vivais intérieurement une contradiction. Il a apprécié que je sois demeurée authentique avec lui.»

«Ma mère colle de temps à autre sur le frigo des articles de journaux qui parlent de binge drinking ou d'accidents de la route impliquant des jeunes qui avaient bu. Je sais qu'elle me passe un message, mais elle ne me fait pas la morale. C'est correct!» raconte Émilie, 16 ans.

Réagir aux excès

Les études sont unanimes sur un point: la supervision parentale est déterminante pour freiner la consommation abusive d'alcool chez les jeunes. Savoir où est notre jeune, avec qui, comment il va rentrer à la maison, qui est le chauffeur désigné, chercher à connaître ses amis pour voir dans quelle culture sociale il se trouve, etc.: l'important est de demeurer présente sans que les jeunes se sentent contrôlés.

Des excès, il y en aura probablement. On doit alors revenir sur les règles sur lesquelles on s'était entendus et appliquer les sanctions prévues. «Autrement, les jeunes pensent que leurs parents ne font que parler et qu'ils n'agissent pas, explique Geneviève Dessureault. Mais ces punitions doivent être justes et réalistes. C'est normal que les jeunes vivent des expériences, mais, dans le fond, ils s'attendent à ce que leurs parents les encadrent. En consultation, il n'est pas rare que des jeunes nous disent: "Mes parents me laissent faire tout ce que je veux. J'ai l'impression qu'ils ne m'aiment pas."»

On croit que les choses dérapent? Notre ado ne coopère pas? On peut aller chercher de l'aide. Les écoles, les organismes communautaires qui oeuvrent auprès des jeunes ou notre CLSC peuvent nous donner de bons conseils ou nous orienter vers les ressources appropriées.

«Des fois, il faut juste accepter que le chemin de notre enfant sera plus houleux que ce qu'on avait pensé. Mais cela ne veut pas dire qu'il ne fera rien de sa vie, qu'il n'ira pas au bout de ses rêves, rassure Geneviève Dessureault. La majorité des jeunes vivent des expériences, mais c'est une minorité pour qui la consommation d'alcool devient problématique. Si vous êtes dans votre rôle de parent, que vous vous investissez dans la relation, que vous mettez des règles claires, votre job est faite, et les risques de complications seront minimes.»

«J'avais tellement bu avant le bal des finissants que je ne me suis jamais rendu au bal! Ma mère était tellement déçue! C'est vrai que ce n'était pas fort! Quand je repense à mon adolescence, je me dis qu'une chance que mes parents étaient là pour me ramener à l'ordre une fois de temps en temps. Cela aurait pu être bien pire. C'est plus tard qu'on les en remercie», se rappelle Francis, 36 ans, qui espère que ses enfants seront plus sages que lui...

Pour en savoir plus

  • Ligne Parents: 1-800-361-5085. De l'aide et des conseils 7 jours par semaine, 24 heures par jour.
  • Parler d'alcool avec ses enfants sans être dépassé, brochure produite par Educ'Alcool, en ligne sur educalcool.qc.ca.
  • Ligne Drogue: aide et référence: 514- 527-2626 ou 1-800-265-2626.

À lire aussi: Comment parler de sexualité avec son ado?

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