Loisirs et culture

Rencontre avec Valérie Carpentier

Rencontre avec Valérie Carpentier

Maude Chauvin Photographe : Maude Chauvin Auteur : Coup de Pouce

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Rencontre avec Valérie Carpentier

L'an dernier, dans un centre commercial de la Place Laurier, une jeune fille de 19 ans attendait pour faire son tour de chant, espérant être recrutée pour participer à l'émission La Voix, à TVA. «Juste avant, raconte celle qui a connu le succès que l'on sait, j'étais à des funérailles. J'ai trouvé qu'affronter la mort et Stéphane Laporte dans un même aprèsmidi, c'était beaucoup! s'exclame l'interprète. Mais quand le stresse monte, j'essaie de relativiser. Je fais rien que de la musique... Je ne sauve pas des vies!» Juste avant de glisser, pensive: «Quoique... peut-être que oui... parfois... qui sait?»

Une fille décidée

Rencontrer Valérie Carpentier a quelque chose de déroutant! Au visage, elle porte encore les marques de l'enfance. Dans sa tête se bousculent par contre des idées d'une maturité étonnante. Au sujet de l'amour, la célibataire dira: «On vient au monde seul. On connaît parfois le bonheur de s'unir et de faire un bout de chemin. Pour certains, c'est pour la vie; pour d'autres, c'est pour un moment seulement. Mais une relation, c'est fait pour apprendre. Apprendre sur soi et sur le monde. Alors, lorsqu'une relation prend fin, on devrait toujours en sortir plus fort.»

C'est ce point de vue sur les peines d'amour qui lui a inspiré l'écriture de sa chanson La Rose rouge. C'est l'histoire d'un amour terminé, mais où la fille blessée décide de rester droite et dit au gars, en gros, de se relever et de poursuivre sa route. «Habituellement, dans les chansons d'amour, les filles sont toujours prêtes à s'ouvrir les veines. Ce sont souvent des victimes. Pour faire les bons choix, il faut se connaître, et il faut vouloir son propre bien. J'observe que bien des filles retournent vers le même pattern, celui qui les fait souffrir. Moi, je veux dire aux filles de rester solides, de se tenir debout. Mais je le fais avec légèreté. L'humour, c'est très important dans ma façon de communiquer.»

Cette ode au courage se retrouve sur son album L'Été des orages, son «vrai de vrai premier album», en référence à la compilation d'oeuvres de Diane Dufresne qu'elle a mise en marché alors qu'elle n'avait que 15 ans. «J'en ai vendu 80 copies! Nul besoin de spécifier que je n'ai pas fait une cenne et qu'en plus, mon CD m'a valu un statut de professionnelle qui m'a empêchée, par la suite, de m'inscrire à la plupart des concours amateurs!» Mais Valérie raconte ce détail sans amertume. «Cette embuche m'a permis de travailler plus fort. Et depuis La Voix, j'en ai vendu autour de 11 000 copies. Je suis bien contente que cet album m'ait enfin permis de faire un peu d'argent!»

Cette notion d'argent s'est très peu trouvée au coeur des préoccupations de la jeune femme quand est venu le temps de devenir chanteuse. Du plus loin qu'elle se souvienne, c'était son unique souhait. Pour monter son dossier de candidature pour l'émission-phare de TVA, elle a fouillé dans ses archives et a d'ailleurs mis la main sur un dessin qui en dit long. «J'ai 8 ans. Je dessine une chanteuse sur scène, et j'écris: «J'ai hâte d'avoir 19 ans, car je serai chanteuse.» Ça m'a presque fait peur quand j'ai trouvé ça!» rigole-t-elle. L'année suivante, elle commençait à suivre des cours de chant. À 12 ans, elle courait les concours. «Pour moi, c'était clair que je voulais chanter pour gagner ma vie. Mais l'idée n'est pas très populaire, quand tu as 14 ans, que tu vis à Sainte-Anne-de-la-Pérade et que tu dis ça à l'orienteur! Il faut être convaincue, car, si tu écoutes les autres, tes rêves ne se réaliseront jamais!» Valérie pouvait quand même compter sur le soutien de ses parents, encore en couple, à l'époque. «Ça coûte cher, les camps de chanson, le kilométrage à travers le Québec, les restos, l'essence. Mais mes parents ont fait ça pour moi.»

Trouver l'équilibre

Au cégep, elle s'inscrit quand même à Lionel-Groulx, en théâtre musical. «C'était lourd, pour moi, Albertine, de Michel Tremblay. La prof voulait aller au fond de mon âme, et je lui disais: "Arrêtez! Pas besoin de creuser! L'émotion est là!"» Elle pointe le duvet qui se hérisse sur ses bras. Une grève étudiante au cours de sa première année aura finalement raison de son choix d'études. «Je suis allée voir la pièce Faire des enfants, au Théâtre de Quat'Sous. Je me demandais constamment si je me voyais, moi, à la place de la comédienne, dans une pièce genre expérimentale. Je n'aime pas devenir quelqu'un d'autre, sur scène.»

La même semaine, elle se rend voir Sophie Milman, une chanteuse jazz russe installée au pays. «Pendant le spectacle, je n'avais qu'une envie: la tasser et prendre sa place! En une même semaine, c'est devenu clair pour moi que mon avenir n'allait pas se jouer en théâtre musical.» Une fois la grève terminée, la chaise de Valérie est restée libre. L'étudiante avait pris le chemin de Trois-Rivières pour poursuivre ses cours de chant. On connaît la suite. «C'est sûr que j'ai eu peur et que j'ai braillé pas mal, toute seule dans mon lit, mais ma grande chance, ça a toujours été ma capacité de me relever les manches quand ça va mal.»

Dans les moments d'incertitude, elle mettait les bouchées doubles. «Je m'obligeais à réagir. Je me disais: "Ce n'est pas parce qu'on ne t'invite pas que tu ne vaux rien!"» C'est ainsi qu'à 14 ans, elle s'est mise à écrire des chansons, et l'une d'entre elles a survécu jusqu'à L'Été des orages. «Dans la vie, je n'ai jamais vraiment vécu de peine d'amour, admet-elle. J'ai peut-être pleuré une journée, même pas, mais j'ai tendance à me relever vite. J'espère ne jamais me laisser anéantir au point de m'écrouler.» Et quand on parle de cette force, elle cite sa mère. «Je lui en ai voulu de partir vivre à Québec quand elle et mon père se sont séparés. Mais avec un peu de recul, je réalise qu'elle représente un bel exemple. Ma mère a élevé quatre enfants. Mon frère le plus jeune a 16 ans, ma soeur aînée, 22 ans. À 40 ans, ma mère est retournée étudier, et elle se bâtit une carrière. C'est une force qu'on a tous en nous, et qu'on peut développer. À tout âge, on peut faire ce qu'on veut de sa vie.»

Malgré son jeune âge, elle considère qu'elle aussi, en quelque sorte, s'est relevée. «Je n'ai pas eu une enfance super. J'étais profondément marquée par les injustices de toutes sortes. Je pleurais souvent et je me réfugiais dans mes dessins. J'étais bien trop sensible, je prenais tout au pied de la lettre et, par conséquent, j'étais une proie facile. Les autres enfants se moquaient de moi. J'ai fini par vivre de l'intimidation. Ça a duré longtemps, avec toute la détresse et la solitude que cela comporte. J'étais pourtant la bolle de ma classe. Maths, sciences, tout! Mais ça ne m'a servi à rien!» lâche-t-elle en riant. Puis elle réfléchit. «Pas vrai! Rectifie-t- elle. Même à une chanteuse, ça sert d'être bonne à l'école. Ça sert à savoir faire les efforts pour durer.»

Elle rêve maintenant d'une carrière en France, et encore une fois, se dit prête à relever ses manches. «C'est un drôle de lien, mais m'accepter physiquement m'a donné des ailes. Avant La Voix, j'étais adolescente! Tu peux imaginer combien de défauts je pouvais me trouver. Des milliers! Je m'en rappelle, parce que c'est pas très loin derrière moi! Les shootings, ça a été comme un coup de poing en plein visage. J'avais le choix entre survivre ou m'écrouler! Je n'aimais presque rien de moi! Je me suis vite prise en main, et j'ai accéléré le processus d'acceptation de soi. Je pratique un métier d'image, alors il m'a fallu me prémunir contre l'image. Maintenant, quand je me vois en photo et que j'ai les épaules arrondies, je me dis que j'aurais pu me tenir droite et je passe à autre chose! Je vais essayer d'y penser la prochaine fois! C'est une grande liberté.» Une liberté qui lui permet de se concentrer sur d'autres rêves que celui d'une inatteignable perfection.

Échange de coups

  • Bon coup. M'être inscrite à La Voix.
  • Coup d'oeil. Porter une robe et des talons hauts, ça va avec le geste de chanter. J'aime le petit côté retro, cabaret. On dirait que ça me prend le costume pour me donner à fond!
  • Coup imprévu. Au printemps, je suis partie seule à Boston. À mon âge, je n'ai pas encore voyagé vraiment, mais j'ai goûté au plaisir de voyager seule. On est tellement plus ouvert aux autres, et les autres, à nous. C'est merveilleux. Je veux recommencer!
  • Coup de coeur. Pour Éric Salvail, qui m'a beaucoup touchée lorsqu'il m'a reçue à son émission. Ses recherchistes lui ont dit que j'étais une fan de Jimmy Fallon et du Late Night Show. Il a donc organisé un jeu de beer pong, comme dans le show américain. J'ai trippé! Mais surtout, je l'ai trouvé très généreux de faire tout ça. Quelle façon d'être reçue! Quelle générosité!
  • Coup de coude. Tout le monde aime donner des conseils. Il y a tout le temps quelqu'un pour me donner un petit coup de coude et me glisser à l'oreille ce que je devrais faire, ne pas faire, faire mieux, faire plus... Mon problème, c'est que, dans une même journée, j'entends une chose et son contraire. Mais je sais que c'est toujours fait de bon coeur.
  • Coup de foudre. Pour la musique francophone. Je m'y suis initiée à cause des circonstances, mais j'aime vraiment ça! Philémon Cimon, c'est wow! Fa-bu-leux!
  • Coup de chaleur. Quand j'ai rencontré Daniel Lavoie pour la première fois! Il a dit: «Bonjour, moi, c'est Daniel» J'ai dit: «Moi, c'est Valérie», puis je suis devenue toute rouge et je me suis enfuie! (Elle rit.) Avec le temps, je suis capable de lui parler. Mais quel bel homme! Quelle voix! Et quelle belle capacité de raconter des histoires en chantant!
  • Coup de grâce. Mon trio d'amitié avec Joëlle et Janie, mes deux best. Joëlle fait un bac en mathématiques, et Janie est infirmière. On vit dans trois univers différents, et quand on est ensemble, on ne parle pas de ma carrière.
  • Coup du hasard. Je suis allée voir le spectacle de Gregory Charles et il a pigé mon nom. J'avais demandé Since I've Been Loving You, de Led Zeppelin, et il l'a mixée avec À fleur de peau.
  • Coup du sort. La première fois que je suis allée au Casino. Le matin, dans mon horoscope, il y avait le mot «farfadet». Une fois sur place, il y avait le mot «farfadet» sur une machine. J'ai mis 25 cents et j'ai gagné 70$. J'ai pensé que j'étais bénie.
  • Coup brusque. La fois d'après, quand j'y suis retournée, certaine que j'étais bénie...
  • Coup de gueule. Enfin, on parle d'intimidation et de surconsommation, deux sujets qui me tiennent à coeur.
  • Premier coup. À mon âge, il y en a beaucoup! Je dirais mon initiation à un spectacle de cirque, qui s'est faite avec Kurios, au Vieux-Port. C'était magique. J'ai versé une larme.
  • Coup de baguette magique. Si j'en avais une, j'étendrais ma carrière jusqu'en France... Mais je trouve ça poche, de penser tout de suite à ma carrière, quand il y a autant de besoins sur terre. Est-ce qu'elle est vraiment magique, ta baguette?

Les plaisirs de Valérie

1. Des nièces empruntées. J'aime beaucoup la présence d'Amy, 6 ans, et Nalha, 4 ans. Ce sont des enfants dans la famille de mon amie Fanie, mais, comme ils m'ont littéralement adoptée, les petites sont comme des nièces pour moi. Je suis allée voir leur spectacle de danse et j'ai vraiment trippé.

2. Le Sud. Je viens de faire mon premier vrai voyage, l'hiver dernier, à Punta Cana. Mon Dieu que c'est le fun, la vie dans le Sud!

3. La télé chez les autres. Comme je n'ai pas de téléviseur, je peux dire que j'ai passé pas mal de dimanches soirs à me faire inviter chez les autres, pour écouter La Voix! J'ai pas de télé, mais j'ai des amis!

4. Tenir mon journal. Il m'arrive tellement de choses que j'ai peur d'oublier tout ce que je vis! Alors, je l'écris. Parfois, je dis à mes amis: «Ça, ce sera pour le chapitre 5 de mon autobiographie!» Mais c'est juste une blague.

5. Soirées «open mic». Tous les mardis, on se réunit entre amis et on «jamme» ensemble. On est une gang de 8 ou 9, dont quelques-uns de La Voix. On trinque. C'est comme ma famille montréalaise, vu que je suis la seule de mon clan à Montréal.

6. Musique. J'apprends la guitare depuis 4 mois, le piano depuis 10 mois, et j'ai une trompette. Celle-là, il faut que je m'y mette! Mais ça fait mal... J'ai joué du cor français à l'école, alors je sais que, lorsqu'on joue tous les jours, la douleur s'en va. Motivation, où es-tu?

 
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