Loisirs et culture

Presque une vraie job

Billet de blogue par
Coup de Pouce
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Vu dans Le Blogue de l'emploi, de Martine Letarte, sur cyberpresse: quelques données sur les perspectives d'emploi des réviseurs pour les prochaines années (acceptables d'ici 2015, si vous êtes curieux). Drôle de métier que celui de réviseur. On n'est ni auteur ni journaliste, et pourtant, on se mêle de fignoler ce que ces gens écrivent, de les «aider à exprimer leur pensée». De quel droit? direz-vous.

Dans un premier temps, je répondrai bien humblement: de celui que mon employeur me donne, boulot pour lequel il me paie. En ce sens, je suis un mercenaire, pas un missionnaire. Je ne reprends pas mes amis, je ne corrige pas les affiches fautives et je n'écris pas aux éditeurs pour leur souligner les fautes que je découvre dans leurs livres (pas que ça ne me démange pas, des fois!). Rien ne m'oblige à soigner les perclus de la langue, les déficients de l'expression. Je n'ai pas prêté de serment de Grevisse, je n'ai pas mon badge de l'OLF.

Dans un deuxième temps, je dirai: de par l'autorité que ma connaissance de la langue française me confère (merci, maman, de m'avoir appris à faire mes lunettes). Pourquoi en deuxième? Parce que réviser, ce n'est pas appliquer aveuglément des règles de grammaire, c'est aussi tenir compte de l'usage (la langue n'attend pas la grammaire pour évoluer) et du contexte (un texte d'humeur ne devrait pas se lire comme un mode d'emploi de tondeuse). Bref, ce qu'on vise avant tout, c'est l'efficacité, parfois au prix de quelques raccourcis, entorses ou familiarités.

Dans un troisième temps, j'ajouterai: pour te faire bien paraître, cher scripteur. Pour gommer tes (rares) répétitions, lourdeurs, ruptures de syntaxe, pour bien faire ressortir la logique de ton propos, pour que ton article, disons, intéresse le plus de gens possible (non, les phrases de 15 lignes en début de texte ne sont PAS le meilleur moyen de captiver le lecteur moyen). C'est ça, mon boulot: You look good, we look good, comme disent les Anglais. «Et tu vas m'aider... beaucoup?» demande le journaliste, un peu craintif. Le strict nécessaire. Un réviseur qui ressent le besoin de changer quelque chose dans chaque phrase qu'il lit est un être qui manque de confiance en lui. Et un mauvais réviseur.

Comme un médecin qui prescrirait des médicaments à tous ses patients par crainte de louper une maladie. Le réviseur n'a pas à s'approprier le texte. Son travail, c'est de le mettre en valeur. Humblement, et en laissant le moins de traces possible de son passage. En fait, le plus beau compliment que l'on puisse faire à un réviseur, c'est lui dire: «J'apprécie beaucoup que vous ne changiez presque rien dans mes textes.» L'auteur reconnaît sa voix, son propos. Pas de coutures apparentes. Ni vu ni connu. Au fait, pourquoi ce titre? Parce qu'une collègue m'a déjà dit ça. «C'est spécial, ce que vous faites, hein? C'est presque une vraie job.» Presque.

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