Sexualité

Où est passée ma libido?

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Auteur : Coup de Pouce

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Où est passée ma libido?

Estime de soi déficiente, image corporelle négative, anxiété de performance... On parle souvent des facteurs psychologiques qui nuisent à la libido. Mais les problèmes de santé peuvent aussi affecter notre désir sexuel.



À 36 ans, en arrêt de travail pour dépression, Martine a vu sa libido tomber à zéro du jour au lendemain. Pourtant, avant qu'elle commence à prendre des antidépresseurs, elle et son conjoint filaient le parfait bonheur au lit. «Le sexe n'avait jamais été un problème entre nous. Nous avions toujours été pas mal sur la même longueur d'onde. Puis, je suis tombée malade, j'étais triste, déprimée. Mon médecin m'a prescrit des médicaments et l'envie de faire l'amour s'est faite de plus en plus rare. Nous mettions ça sur le compte de ma dépression. Il a fallu que je change de médecin pour apprendre enfin que le problème venait surtout des antidépresseurs qu'on m'avait prescrits. Malheureusement, Sylvain, lui, était déjà parti.»

Partout, les sexologues et chroniqueurs santé parlent de l'importance d'entretenir le désir sexuel pour avoir une vie de couple harmonieuse. Mais pour certaines personnes, touchées par la maladie ou contraintes de prendre des médicaments, le défi est considérable. C'est que la libido est plus qu'une simple affaire d'émotions. En fait, explique la Dre Marie-Josée Dupuis, gynécologue obstétricienne au CHUM, «le désir sexuel est un mécanisme complexe dont ne connaît pas véritablement le point de départ. Et, même si la science n'est pas encore fixée quant au fonctionnement de la libido, l'hypothèse la plus solide veut qu'elle soit liée autant au partenaire qu'aux hormones.» Sur le plan hormonal, le désir sexuel serait en grand partie gouverné par les androgènes (hormones mâles), tant chez les femmes que chez les hommes. Une insuffisance à ce niveau mènerait à une baisse de l'appétit sexuel. Selon des études plus récentes, d'autres hormones seraient par ailleurs en cause chez les femmes, dont l'hormone folliculo-stimulante (FSH). «Cette hormone, précise la Dre Dupuis, est sécrétée en continu avec certaines pointes, notamment au moment de l'ovulation, et de nombreuses femmes vivent une hausse spontanée de leur désir sexuel à ce moment de leur cycle.»

La libido est dans la tête
Le cerveau est le centre du désir sexuel, plus précisément le lobe limbique (situé au coeur du cortex cérébral). C'est là que sont gérés les signaux relatifs au plaisir, dont le plaisir sexuel. Selon Sylvie Henry, sexologue clinicienne, la principale différence entre les hommes et les femmes sur le plan de la libido réside dans le taux d'hormones. «Les hommes, dit-elle, sécrètent sept fois plus d'androgènes que les femmes. Leurs hormones les influencent par conséquent plus que les facteurs extérieurs, et ils ont naturellement une libido plus active.» Inversement, «chez les femmes, la libido est la première chose qui disparaît quand ça ne va pas bien, résume la Dre Dupuis. Pour ressentir le désir, les femmes ne doivent vivre ni stress, ni douleur, ni colère. Chez elles, tout est étroitement lié, et l'équilibre est extrêmement fragile.»

Alors, comment distinguer une perte de libido passagère, due au contexte émotif, et une situation plus grave, causée par la maladie? Selon la Dre Dupuis, il faut en parler avec notre médecin, même si l'exercice peut s'avérer difficile. «Par méconnaissance, certains médecins disent à leur patiente que le problème se résorbera avec le temps, qu'il suffit de se détendre ou, pire encore, que c'est dans leur tête. Si c'est le cas, il faut vite changer de médecin! Quand une patiente affirme qu'elle n'a plus envie de faire l'amour avec son partenaire en ce moment, mais qu'elle croit que les choses seraient autrement si elle partait demain matin en vacances avec cette même personne, le problème n'est vraisemblablement pas physique, mais plutôt psychologique ou émotionnel. Dans le cas contraire, il faut investiguer, et un bon médecin le fera.» Quant à savoir à quel moment il est approprié de consulter, la Dre Dupuis conseille de se laisser guider par notre bien-être. «Chaque personne a sa manière de vivre sa sexualité. Des gens peuvent être en couple pendant des années et n'avoir que très rarement envie de faire l'amour tout en étant entièrement satisfaits. D'autres ont des relations sexuelles fréquentes. L'important est d'être bien. Si ce n'est pas le cas, si on s'interroge, si on sent que quelque chose a changé, il faut consulter.»Le poids de la maladie
Épreuve majeure dans la vie d'un individu, la maladie peut faire basculer le désir sexuel. Au-delà du stress qu'ils entraînent, certains problèmes de santé peuvent en effet hypothéquer le bon fonctionnement de l'appareil sexuel et de la libido. Quelques-uns des facteurs qui peuvent provoquer une baisse de libido:
 
  • l'hypertension, les problèmes cardiaques et le diabète, notamment parce qu'ils entraînent des problèmes de circulation sanguine. «Pour qu'il y ait orgasme, explique la Dre Dupuis, le sang doit pouvoir affluer vers la vulve. Quand la circulation sanguine ne va pas bien, il est possible que le désir s'atténue.»
     
  • un dérèglement endocrinien. De fait, selon le Dr François Gilbert, endocrinologue à la Clinique AccessMed, «tout mauvais fonctionnement du système endocrinien peut affecter la libido à divers degrés», notamment l'hypothyroïdie, maladie caractérisée par un ralentissement, voire un arrêt complet de la glande thyroïde. «La thyroïde influence toutes les réactions chimiques qui se produisent dans le corps humain. Quand son fonctionnement est insuffisant, c'est comme si le corps entrait en hibernation. Tout tourne au ralenti, même les métabolismes en lien avec l'humeur et le plaisir, incluant le plaisir sexuel», explique le spécialiste. Un dérèglement de la glande hypophyse ou une tumeur hypophysaire peuvent aussi nuire considérablement à la libido. Et pour cause: cette glande contrôle notamment le fonctionnement des testicules et des ovaires. En cas de problème, une diminution de la production des hormones sexuelles (testostérone, notamment) survient, et, avec elle, une baisse du désir.
     
  • une glycémie élevée en raison d'un diabète mal contrôlé. Cette dernière peut favoriser l'apparition d'infections vaginales et des voies urinaires, qui peuvent également hypothéquer la sexualité.
     
  • la fibromyalgie, caractérisée par une fatigue chronique et des douleurs intenses de type arthritique ressenties un peu partout dans le corps. Chantal, 42 ans, ne s'en cache pas: sa sexualité a été quasi réduite à néant en même temps que sont apparus les premiers symptômes de la maladie. «Non seulement je n'ai pas beaucoup d'énergie, mais certains jours, la douleur est telle que le simple fait de laisser quelqu'un effleurer ma peau est inconcevable. On est loin d'être dans un contexte favorable à l'épanouissement de la vie sexuelle.»
     
  • la dépression, fréquemment associée à une baisse du désir. Le dysfonctionnement global des activités cérébrales, du cortex préfrontal en particulier, expliquerait la chute de libido. Grand responsable de nos réponses émotionnelles (désir, affection, plaisir, etc.), cette zone du cerveau jouerait en effet un rôle central dans la sexualité.
     
  • les maladies de la vulve, qui affectent entre 10 et 15 % des femmes. La plus répandue est la vestibulodynie. Elle se caractérise par des brûlements et des sensations de déchirure lorsqu'il y a pénétration. Ces douleurs peuvent apparaître dès la première relation ou après quelques mois, voire quelques années de relations indolores. Contrairement à l'irritation pouvant résulter d'une infection vaginale, les douleurs liées à cette maladie sont constantes et s'expliqueraient par le fait que certaines cellules transmettent des signaux erronés (des signaux de douleur extrême) à la moelle épinière. Difficile d'éprouver du désir dans un tel contexte. «Dès ma première relation sexuelle à 17 ans, le sexe a été pour moi douloureux, confirme Véronique, aujourd'hui âgée de 27 ans. À un certain moment, l'idée même de faire l'amour me traumatisait. Peu importe le partenaire, j'avais la libido en dessous de zéro.» D'autres problèmes vulvaires, comme les fissures, sorte de petits craquèlements à la vulve, souvent situés à l'entrée du vagin et principalement dues à l'assèchement de la peau, à la contraction des muscles ou au frottement, peuvent aussi entraîner des douleurs et une baisse du désir. Il en va de même pour le lichen simplex, une maladie de la peau semblable à l'eczéma qui s'attaque surtout aux grandes lèvres.

    Cela dit, selon la Dre Dupuis, «à long terme, il est rare qu'une maladie, quelle qu'elle soit, empêche une femme d'éprouver du désir et d'avoir une vie sexuelle satisfaisante. Généralement, dit-elle, si on suit bien les directives de notre médecin, on apprend à vivre avec notre condition et ça inclut la vie sexuelle.»Quand les médicaments font du tort
    Le désir sexuel peut aussi être altéré par certains médicaments. Geneviève Duperron, pharmacienne, confirme par exemple «qu'en agissant sur les neurotransmetteurs certains antidépresseurs, comme Prozac et Paxil, peuvent réduire la libido». Les bêtabloqueurs, c'est-à-dire les médicaments prescrits pour ralentir le rythme cardiaque, le plus souvent au lendemain d'un infarctus, ont aussi un effet certain sur le désir sexuel. «Comme ils ont pour objectif de ralentir le rythme des battements, ces médicaments diminuent la quantité de sang dans les conduits, y compris vers les organes génitaux, ce qui peut diminuer la lubrification chez la femme et l'afflux sanguin nécessaire à l'orgasme.»

    Par ailleurs, contrairement à une idée largement répandue, les contraceptifs oraux affectent très rarement la libido. Selon la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, la dose d'hormone incluse dans les contraceptifs actuels n'est en effet généralement pas assez importante pour influencer l'appétit sexuel.

    Si, par malheur, les médicaments qui nous sont prescrits ont des effets indésirables sur notre désir, Geneviève Duperron conseille d'en parler rapidement à notre médecin. «Dans certains cas, dit-elle, on remplacera tout simplement le médicament par un autre moins dommageable. On pourra aussi voir si d'autres problèmes de santé sont à l'origine du problème.» Pas question cependant d'arrêter unilatéralement la prise de médicaments ou encore de réduire la dose prescrite. «Une telle décision peut, au contraire, aggraver la situation, particulièrement en ce qui a trait aux antidépresseurs.»

    Quand les hormones s'en mêlent
    Certains changements hormonaux peuvent aussi perturber la libido. C'est le cas de la grossesse et de la ménopause. Plusieurs femmes enceintes rapportent en effet une baisse d'appétit sexuel, surtout dans les trois premiers mois de grossesse et à l'approche de l'accouchement. Le fait que la progestérone, reconnue pour son effet sur l'humeur (sensibilité extrême, tristesse, mélancolie, etc.) soit constamment présente dans l'organisme durant la grossesse pourrait expliquer cette situation. Le phénomène est toutefois beaucoup plus répandu chez les femmes ménopausées.

    Monique, 64 ans, en sait quelque chose. «Avant ma ménopause, dit-elle, j'avais une vie sexuelle heureuse et agréable. Après, les choses ont beaucoup changé. Faire l'amour était devenu douloureux, je me sentais aussi moins désirable. Petit à petit, le désir s'est atténué.» La baisse de désir sexuel fait partie des symptômes-types de la ménopause. La baisse du niveau d'oestrogènes entraîne en effet une réduction de 60 % du flux sanguin vers la vulve et du vagin. La lubrification est aussi naturellement diminuée à cette période, ce qui rend les relations sexuelles moins agréables et peut, par conséquent, réduire la libido. À terme, le vagin peut aussi s'atrophier.

    Selon le Dr Gilles Desaulniers, de l'Hôpital du Sacré-Coeur, faisant partie maintenant du CIUSS du Nord-De-L'île-de-Montréal, l'utilisation de lubrifiants ou d'hydratants vaginaux sous prescription peut répondre aux problèmes de sécheresse vaginale. Un produit en vente libre, le Replens, offre aussi, à son avis, «un certain soulagement, à condition toutefois qu'il soit utilisé régulièrement, soit tous les deux ou trois jours». La physiothérapie peut aussi s'avérer être d'un précieux secours, notamment par le biais d'exercices visant à renforcer les muscles du plancher pelvien (les fameux exercices de Kegel).

    Finalement, aussi curieux que cela puisse paraître, le fait de maintenir une activité sexuelle régulière contribue à augmenter le flot sanguin aux organes génitaux, à maintenir la lubrification et à prévenir la sécheresse vaginale.La pilule miracle existe-t-elle?
    Pour régler la libido, a-t-on accès à une pilule miracle comme le Viagra chez les hommes? Pas encore. Jusqu'à présent, les effets secondaires des médicaments de ce type (augmentation de la pilosité, transformation de la voix, etc.) chez la femme sont en effet trop importants pour qu'on mette en marché de tels produits. La recherche se poursuit toutefois. La firme pharmaceutique allemande Boehninger teste d'ailleurs actuellement une nouvelle molécule appelée Ectris auprès de 5 000 femmes américaines. Si les résultats obtenus par cet antidépresseur à effet rapide s'avèrent concluants, le produit pourrait être mis en marché dès 2009 aux États-Unis. Il ne serait toutefois pas disponible au Canada avant que Santé Canada en autorise la commercialisation.

    D'ici là, quand la question survient, la pharmacienne Geneviève Duperron avoue diriger ses clientes vers le rayon des produits naturels. La maca, plante médicinale millénaire, aurait notamment des effets heureux sur la libido. «Ce produit, dit-elle, n'a aucun effet secondaire. Il ne présente pas non plus de risques d'interactions connus avec d'autres médicaments. La plupart des clientes à qui je l'ai conseillé me disent avoir senti un changement réel.» À moins d'avoir subi une ablation des ovaires en raison d'un cancer, pas question non plus, selon la Dre Dupuis, de prescrire des androgènes pour réveiller la libido endormie.

    C'est que, dit-elle, «cela présenterait des dangers majeurs.» Pour être réellement efficace, la dose prescrite devrait en effet dépasser le taux normal d'androgènes nécessaire au fonctionnement du corps et pourrait provoquer l'arrêt des menstruations, voire l'infertilité. Dans le cas des maladies vulvaires, plusieurs traitements sont à l'essai pour réduire la douleur. Les femmes qui en souffrent peuvent notamment recourir à des gels analgésiques pour endormir la zone sensible ou à des médicaments qui agissent sur les récepteurs de la douleur.

    Le recours à la physiothérapie est aussi fréquent. Professeure à l'université McGill et physiothérapeute, Claudia Brown, reçoit tous les jours des patientes souffrant de vestibulodynie dans ses cliniques de Laval et de Montréal. Par diverses techniques, elle leur apprend «à identifier le muscle tendu par la douleur répétée et à le relâcher pour en arriver à avoir des relations sexuelles plus agréables». Entre huit et dix sessions suffisent généralement pour obtenir des résultats satisfaisants. Selon elle, on obtient cependant les meilleurs résultats en combinant plusieurs traitements, tels que le suivi médical, la physiothérapie et la sexologie. En cas d'échec, on peut aussi, ultimement, recourir à la chirurgie. Accomplie par un gynécologue, l'intervention présente un taux de succès avoisinant les 50 %.Des solutions universelles
    Au final, peu importe la raison pour laquelle notre libido pique du nez, Sylvie Henry est catégorique, la première voie de solution reste l'ouverture et la communication, avec notre partenaire, mais aussi avec un professionnel. «Beaucoup de gens sont encore gênés de parler des problèmes qu'ils rencontrent sur le plan sexuel. Pourtant, malgré cela, insiste la thérapeute, il faut franchir le pas et consulter.» Même son de cloche du côté de Geneviève Duperron. «Les gens, dit-elle, croient à tort qu'ils sont les seuls à vivre de tels problèmes. En réalité, plusieurs personnes en sont affectées. Il faut en parler. Il y a toujours des solutions.»

    À surveiller
    Mieux vaut consulter si une baisse de libido s'accompagne d'un ou de plusieurs des symptômes suivants:
  • des douleurs constantes (brûlures, sensations de déchirures, etc.) pendant ou après les relations sexuelles;
  • des saignements;
  • des démangeaisons aux grandes ou petites lèvres;
  • des infections vaginales ou urinaires à répétition.

    Ces symptômes pourraient être le signe d'un problème gynécologique plus grave.

    Pour aller plus loin
  • Ma Sexualité et Ma Ménopause, deux sites chapeautés par la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.
  • Service de gynécologie oncologique, site de la Clinique VuVa de l'hôpital Notre-Dame du CHUM (maladies vulvo-vaginales).
  • Groupe Elva, site de l'Association pour les femmes atteintes de maladies vulvo-vaginales.
  • Association des sexologues du Québec,site de l'Association des sexologues du Québec.
  • Ordre des physiothérapeutes du Québec, site de l'Ordre des physiothérapeutes du Québec.

    En libraire:
  • Désir et grossesse, par Héléna Walther, Éditions du Toucan, 2008, 192 p., 22,95 $.
  • Donnez du swing à votre vie sexuelle, par Élizabeth Wilson, Transcontinental, 2007, 272 p., 24,95 $.
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