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Homosexualité: pourquoi les femmes hésitent à s’afficher?

Pourquoi les femmes hésitent à s’afficher?

iStockphoto Photographe : iStockphoto Auteur : Coup de Pouce

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Homosexualité: pourquoi les femmes hésitent à s’afficher?

Contrairement aux gais, les lesbiennes sont pratiquement invisibles sur le marché du travail et dans les médias. Afficher son homosexualité serait-il plus difficile pour les femmes?


«Jene crois pas, répond la psychologue Martine Cinq-Mars. Dans toute forme de marginalité, il y a un passage à faire. Les enjeux sont les mêmes, qu'on soit un homme ou une femme. Il faut apprendre à habiter la marginalité, à la porter et à l'accepter. À partir du moment où une personne expérimente la différence, sa capacité à s'ouvrir dépend de la façon dont elle l'assume et des liens qu'elle a développés avec ses proches.»
 
La psychologue explique que généralement ses clientes prennent le temps de vivre leurs questionnements et de faire leurs expériences avant de s'ouvrir à leurs parents et amis. C'est ce qu'a fait Marjorie, une éducatrice en services garde, lorsqu'elle est sortie du placard à 19 ans. «C'est un enseignant du secondaire qui m'a mis sur la piste. Il m'a devancée en quelque sorte. Ma mère aussi m'avait tendu une perche au Cégep, mais je n'étais pas prête. Je devais me défaire de mes propres préjugés envers les homosexuelles et vivre quelques expériences avant de le dire à mes proches.»
 
Sortir du placard au travail
 
Marjorie a informé la direction de l'école et ses collègues de travail de son orientation sexuelle, mais ne veut pas en parler ouvertement avec les enfants et leurs parents. «Je ne voulais pas que la direction de l'école apprenne de la bouche d'un parent ou d'un enfant qu'une de ses éducatrices était lesbienne. Avec certains parents, il m'arrive de développer un lien de confiance qui me permette d'en parler, mais comme trop de parents confondent encore homosexualité et pédophilie, je préfère rester discrète.»
 
Même son de cloche du côté de Nicolas qui est analyste à la lutte au blanchiment d'argent pour une institution financière. «Ma sortie du placard s'est déroulée sensiblement de la même manière à chaque fois. Lors d'une activité en dehors des heures du bureau, un groupe de filles est venu me poser directement la question. Mais des liens d'amitié se sont toujours créés avant l'annonce officielle. Par contre, dans chaque nouveau milieu de travail, je tente de rester discret à ce sujet. Je ne veux pas être étiqueté dès le début. C'est comme dans n'importe quelle relation, je crois qu'il faut apprendre à se connaître.»
 
Une discrétion toute féminine
 
«À moins d'être une lesbienne très stéréotypée, il est plus facile pour une homosexuelle de passer pour une hétérosexuelle», croit Nathalie Di Palma, chargée de projets pour le programme de sensibilisation auprès des communautés culturelles de la Fondation Émergence, affiliée à Gai Écoute. «Dans le fond, pourquoi s'afficher, éduquer les gens à l'homosexualité ou se justifier de quelque chose qui ne paraît pas?»
 
La présence de femmes bisexuelles dans les vidéo-clips et la pornographie porte à croire que l'homosexualité féminine est socialement très acceptée, alors pourquoi les lesbiennes sont-elles toujours si discrètes? «C'est un fantasme très masculin de voir deux filles s'embrasser ou faire l'amour. Quand deux homosexuelles s'affichent, les remarques, les blagues ou le regard des hommes, ça peut devenir assez lourd», explique une jeune lesbienne, dans un forum de discussion en ligne.
 
«Les hommes savent peut-être avec plus de certitude qu'ils sont gais, pense Nathalie Di Palma. Les filles font souvent leur coming-out sur le tard. Elles peuvent se faire croire ou faire semblant d'être hétérosexuelles plus longtemps que les gars. Si elles n'ont pas d'orgasme, elles se disent qu'elles n'ont pas encore rencontré le bon. Mais un homme qui n'a pas d'érection, ça ne ment pas!»
 
Améliorer l'image des lesbiennes
 
Si les hommes affichent leur homosexualité plus clairement, peut-être est-ce le résultat d'une culture homosexuelle masculine mieux définie et plus positive. «Les nouvelles générations de lesbiennes ne veulent plus être associées au stéréotype traditionnel de la femme masculine», constate Nathalie Di Palma, qui observe un phénomène semblable avec le féminisme, aujourd'hui mal vu chez plusieurs jeunes femmes.
 
«L'image des gais est positive. Ils sont très présents dans les milieux de la mode, de la cuisine et de la culture, tandis que l'image des lesbiennes est beaucoup moins intéressante. La camionneuse s'habille mal, n'a aucun goût vestimentaire, pas de culture et une personnalité souvent autoritaire», explique la jeune lesbienne du forum.
 
Et si la discrétion des filles était tout simplement culturelle? La timidité, la douceur, la modestie, le désir de plaire et de répondre aux attentes des autres ne sont-elles pas des qualités traditionnellement féminines? «Probablement. Parce que la plupart des lesbiennes assument très bien leur homosexualité, mais elles sortent moins et vivent leur vie de couple à la maison. Elles sont peut-être juste plus tranquilles», de conclure Nathalie Di Palma.
 
 
Référence
 
Gai Écoute
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