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Dépistage de la trisomie 21: un choix déchirant

Dépistage de la trisomie 21: un choix déchirant

istockphoto.com Photographe : istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

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Dépistage de la trisomie 21: un choix déchirant

Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec envisage de mettre en place un programme gratuit et systématique de dépistage prénatal de la trisomie 21, aussi appelée syndrome de Down. Une consultation à ce sujet a soulevé de nombreux débats et rappelé le choix déchirant devant lequel se retrouvent les parents.

Le test sanguin de dépistage de la trisomie 21 coûte actuellement quelques centaines de dollars. Le rapport de consultation, rendu public en janvier 2009, propose que toutes les femmes puissent se voir offrir, lors du suivi de grossesse, un test de dépistage prénatal de la trisomie 21 accompagné de l'information nécessaire à une prise de décision libre et éclairée. Si le résultat indique un risque élevé de trisomie 21, une amniocentèse devra être effectuée pour le confirmer.

Eugénisme et discrimination?

Les nombreux opposants à ce projet de dépistage systématique déplorent le fait qu'un tel programme favorisera les interruptions de grossesse. «On essaie de nous faire croire que c'est pour égaliser les chances et pour préparer les parents, s'exclame Jean-François Martin, président de l'Association du Québec pour l'intégration sociale et père d'un enfant trisomique. En réalité - dans 96 % des cas si l'on se fie aux statistiques françaises -, les parents optent pour l'avortement.»

Jocelyn et Céline Girard ont choisi, il y a six ans, d'adopter un enfant trisomique. «Nous nous sommes préparés, nous nous sommes documentés, explique ce père de cinq enfants. Il n'est donc pas mauvais que les gens connaissent ce qui s'en vient.»

Père d'un enfant trisomique de cinq ans, Éric Deschênes considère que l'avortement est et doit rester un choix personnel. «On ne peut pas dire qu'avoir un enfant trisomique, ce n'est rien, dit-il. Certains cas sont plus lourds que d'autres. Nous sommes parfois fatigués de nous rendre aux rendez-vous avec les médecins. Mais certains parents qui ont un enfant normal trouvent la charge très lourde aussi.»

Fausse sécurité?

En 2007, Éric Deschênes réalisait le court métrage intitulé Aléa, sur les émotions ressenties quand il a appris que son enfant était trisomique. «Nous avions passé le test, et aucun problème n'avait été détecté», raconte-t-il.

«Il y a du faux négatif et du faux positif dans les résultats de ces tests, confirme Jean-François Martin. C'est une pseudo-sécurité que l'on offre aux parents. Il y a tellement d'autres choses que la trisomie 21 qui peuvent arriver. L'enfant peut manquer d'air à la naissance ou avoir une paralysie cérébrale.»

«La société encourage la suppression des enfants qui représentent un poids social plutôt que d'accompagner les gens dans leur choix et de les soutenir, déplore Jocelyn Girard. Cet acharnement comprend le risque d'éliminer des enfants normaux.»

L'accompagnement

En 2007, Danielle Verville et son conjoint ont été confrontés à ce choix déchirant de garder ou non leur troisième enfant après avoir passé le test de dépistage prénatal de la trisomie 21, qui s'est avéré positif. «Nous qui avions toujours dit que nous garderions tout fœtus viable, nous étions alors dans le doute, raconte-t-elle. Pendant la première nuit qui a suivi l'échographie, ma tristesse s'est transformée en colère. Une colère pleine de révolte devant cette épreuve qui n'aurait pas dû être annoncée ni soumise à notre choix! Nous allions devoir prendre la pire décision pour des parents: décider de la vie ou de la mort de notre bébé.»

La nature a finalement choisi à leur place, puisque le cœur du bébé a cessé de battre quelques jours plus tard. Entre-temps, des équipes d'accompagnement s'étaient mobilisées à l'hôpital afin d'aider les parents à prendre une décision éclairée. Cet accompagnement s'avère cependant inégal d'un établissement à l'autre. «Les couples sont malheureusement assez seuls face à ce choix», explique Catherine Desrosiers, directrice de l'Association Emmanuel, qui offre aux parents la possibilité d'adopter un enfant handicapé ou de faire adopter le leur.

L'Association du Québec pour l'intégration sociale reçoit très peu d'appels pour aider les gens à prendre la décision de garder ou non leur enfant. «Le corps médical est souvent le seul à répondre aux parents, explique Jean-François Martin. Or, il n'a pas toute l'expérience nécessaire et côtoie principalement des enfants trisomiques qui ne vont pas bien. Il pourrait envoyer les parents vers une association qui a une vision plus sociale. Notre rôle n'est pas de pousser les gens à garder l'enfant, mais de leur donner l'information juste. La décision va demeurer, malgré tout, très difficile à prendre, mais elle va être un peu plus éclairée.»

À l'Association Emmanuel, on tente d'aider les parents. «Nous leur offrons la possibilité de rencontrer une famille qui a adopté un enfant trisomique, explique Catherine Desrosiers. On ne doit pas annoncer uniquement le côté négatif et lourd. Il ne faut pas penser que la mère devra renoncer à sa carrière et se consacrer 24 heures sur 24 à son enfant. Notre société a un bon système de soutien en ce qui concerne la déficience intellectuelle.»

La «quête de l'enfant parfait»

Une autre préoccupation soulevée est de savoir où ce test de dépistage va nous mener. Souhaiterons-nous dépister tous handicaps, anomalies ou déficiences dès que nous le pourrons? Jocelyn Girard prône plutôt l'ouverture à la différence. «Quand on crée une société parfaite, avec des parents génétiquement et physiquement parfaits, on se condamne à n'être que des clones des uns et des autres. Ces enfants ont le droit à la vie, comme n'importe quel autre!»

«Veut-on vivre dans une société où l'on déciderait qui aurait le droit de vivre et qui ne l'aurait pas? ajoute Jean-François Martin. Je ne suis pas sûr que ce soit une société que les gens sont prêts à accueillir.»

Trisomie 21/Le défi Pérou

Jean-François Martin est l'auteur du livre «Ensemble jusqu'au sommet» et l'instigateur du projet Le défi Pérou. Lancé en février 2008, le film Trisomie 21/Le défi Pérou suit l'ascension du Machu Picchu et la participation à un projet communautaire auprès de villageois péruviens de six jeunes adultes ayant une trisomie 21, en compagnie de six stagiaires du Cégep du Vieux-Montréal, de deux professeurs et de Jean-Marie Lapointe. Il est possible de louer le film pour des projections institutionnelles auprès du Regroupement pour la Trisomie 21.

Lire aussi Le deuil de l'enfant rêvé.

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