Psychologie

Faire face à une baisse de revenus

Faire face à une baisse de revenus

Faire face à une baisse de revenus Photographe : Marie-Eve Tremblay/collagene.com Auteur : Julie Roy

Psychologie

Faire face à une baisse de revenus

Personne n'est à l'abri d'une baisse soudaine de revenus. Cette précarité peut engendrer beaucoup de stress, mais peut être aussi une occasion pour faire le point sur notre relation avec l'argent.

J'avais presque 30 ans, la vie devant moi et un joli boulot dans un (autre) magazine. Premier vrai salaire régulier, mes finances étaient au beau fixe. Un prêt étudiant que je bouclerais bientôt, aucun REER, pas beaucoup d'économies, mais pas de carte de crédit non plus. Puis un matin de printemps, alors que mon café était encore trop chaud, on nous a annoncé la fermeture du magazine, deux semaines de paie et un merci bien gentil de la direction. Je n'avais rien vu venir... mon compte en banque non plus. La date du prochain loyer approchait dangereusement. Et le frigo était vide. Alors qu'avant j'avais de l'argent et n'y pensais pratiquement jamais, j'en manquais soudainement et calculais tout, tout, tout. Oui, j'ai déjà payé mon loyer en retard. Oui, j'ai déjà vidé le pot de change pour me payer des pâtes qui collent et de la sauce en canne «en spécial». Ce que j'ai retenu? Que personne, jamais, n'est à l'abri d'un accroc dans ses finances et que, quelle que soit l'ampleur de celui-ci, l'insécurité que cela crée, elle, peut prendre toute la place.

«Vivre des difficultés financières peut entraîner un niveau de stress élevé, ce qui constitue un terreau fertile pour une foule de difficultés psychologiques, indique Julie Roussin, psychologue. Troubles de l'humeur, relations difficiles avec notre entourage, même jusqu'à la dépression.»

Notre rapport à l'argent peut même être modifié quand on vient à en manquer. Boursier principal de l'Institut canadien de recherches avancées et professeur de psychologie et d'affaires publiques à l'Université Princeton, Eldar Shafir a récemment coécrit un essai étonnant (Scarcity: Why Having Too Little Means So Much; pas traduit en français) sur notre façon d'agir en situation de précarité. «Quand vous manquez d'argent, votre centre d'attention change tout à coup. C'est un peu comme si vous conduisiez par une belle journée ensoleillée. Soudainement, une forte averse s'abat sur vous. Vous allez vous concentrer davantage sur votre conduite. Votre vision périphérique diminuera, et votre niveau de stress pourrait bien augmenter. Vous risquez d'être accaparé par votre conduite, sans pouvoir penser à autre chose. C'est exactement de cette façon qu'une pénurie d'argent peut vous affecter», explique-t-il.

Mais il ajoute: «Lorsque vos revenus diminuent, des recherches ont démontré que vous utilisez votre argent de façon beaucoup plus efficace. Vous comprendrez mieux où il va et où il serait le mieux investi.»

Reste que, quand les finances s'écroulent, elles risquent d'emporter avec elles des projets de vie. Comme devoir vendre la maison pour payer des dettes trop imposantes ou toucher à des placements qu'on réservait pour notre retraite. «On peut alors avoir l'impression de vivre un échec, d'avoir honte. On aura tendance à s'isoler, alors que ce dont on a véritablement besoin, c'est l'appui et l'encouragement de notre entourage», précise Julie Roussin.

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Isabelle avait 41 ans et était propriétaire d'un resto dans lequel elle avait beaucoup investi quand sa voiture a percuté de face un camion de bois. Résultat: quelques égratignures, mais surtout un traumatisme crânien provoquant des épisodes de stress post-traumatiques qui cham- boulent sa vie au grand complet. Elle doit vendre, à perte, son resto et, en attendant qu'on lui reconnaisse son invalidité, ses économies fondent à vue d'œil. «Mes parents ont toujours été là pour moi, mais plusieurs amitiés se sont volatilisées pendant cette période difficile. J'ai ressenti beaucoup de jugement à propos de ma situation, ce qui m'a autant, sinon plus, affectée que mon manque d'argent», raconte-t-elle.

Cette prédisposition à juger les autres beaucoup plus sévèrement que soi-même n'est pas rare, selon la psychologue: «On tend à penser que les autres sont responsables de leur propre malheur ("Il aurait dû faire un budget"), mais que la faute incombe à la situation ("C'est la récession", "On m'a arnaqué") lorsqu'il s'agit de nous.» Intéressant, non?


Pour se protéger de tels écueils, il n'y a pas de secrets: vivre sous ses moyens, budgéter, épargner, mais aussi donner à l'argent une place moins importante dans l'équation de notre bonheur. «Cultiver des valeurs matérialistes constitue un facteur de risque pour mal gérer psychologiquement d'éventuelles difficultés financières», précise la psychologue. L'idée est donc de se tricoter un bas de laine mental, en plus de celui dans notre compte de banque. C'est une des grandes leçons d'Isabelle. Depuis qu'elle a recommencé à respirer financièrement, elle relativise: «Cet accident-là m'a peut-être coûté beaucoup financièrement, mais il aurait pu me coûter la vie...»


Je ne pouvais pas prévoir que le magazine allait fermer boutique. Isabelle ignorait qu'un jour elle aurait un accident de la route. La vie, c'est parfois imprévisible. Comme une voiture qui rend l'âme au mauvais moment. Ou un enfant malade qui fait exploser notre banque de congés de maladie. Ou un toit qui coule. Ou une séparation. Si vous êtes l'amie, la sœur ou la mère de quelqu'un qui en arrache financièrement, offrez-lui donc un café et des bras accueillants. Ça ne réglera pas tout, mais avoir une alliée quand c'est difficile, ça donne du courage et de l'allant. Et ça ne coûte rien.

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